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couverture du livre le Contrat social de Rousseau

Résumé du Contrat social (page 2)

Livre 1

En introduction du premier livre, Jean-Jacques Rousseau défend sa légitimité à écrire sur la politique, n’étant lui-même pas au pouvoir. C’est pour cela précisément, dit-il, qu’il peut écrire sur la politique. S’il était au pouvoir, il agirait.

On se souvient de l’affirmation de Rousseau dans le second Discours : l’homme, déjà accoutumé à la dépendance, au repos et aux commodités de la vie, et déjà hors d’état de briser ses fers.

Cette idée constitue l’amorce du premier livre : L’homme est né libre, et partout il est dans les fers. 1


On peut scinder ce premier livre en deux grandes parties : la première, qui brosse un portrait de l’état du monde politique, fait d’esclavage, d’ambitions belliqueuses et de despotisme ; la seconde, qui, à partir de la notion de « peuple » ébauche la possibilité d’une sortie de cette situation.

Existe-t-il un « droit d’esclavage » ?

Quand on s’interroge sur les concepts du Contrat Social, on pense souvent à l’esclavage. Bien avant Karl Marx, Rousseau avait théorisé de ce qu’il appelait l’aliénation, défini ainsi : aliéner, c’est donner ou vendre.

À partir de cette définition (somme toute assez sommaire), Rousseau commence à construire une réflexion sur la société politique. Pourquoi les hommes, libres par nature, se sont-ils aliénés ? Pour quelle utilité ?

Contexte

Quand Rousseau écrit son Contrat social, nous sommes 27 ans avant la Révolution française, sous le règne de Louis XV – bref, sous une société d’Ancien Régime. En publiant ce texte, Rousseau donne des idées aux révolutionnaires qui renverseront Louis XVI, le petit-fils de Louis XV.

Face à des mouvements de contestation intellectuels et politiques à partir de 1750, Louis XV paie finalement son manque de fermeté. À Genève, le siècle est aussi marqué par une grande inégalité entre les bourgeois qui bénéficient de tous les droits politiques et économiques et la population qui en est dépourvue. L’accès à la bourgeoisie (par le paiement d’une taxe) est de plus en plus limité.

L’ambition du Contrat social est de comprendre comment cette situation, où certains donnent des ordres et d’autres sont esclaves, a pu advenir.

De la légitimité du pouvoir : Rousseau lecteur de Pascal

Rousseau affirme que la force permet de faire respecter les lois, mais ne constitue pas la base sacrée qui fait la légitimité des conventions (on retrouve l’idée d’union nationale).

C’est ici que l’on trouve l’un des passages les plus célèbres du Contrat social, la critique de la notion de droit du plus fort :


« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit, et l’obéissance en devoir. De là le droit du plus fort ; droit pris ironiquement en apparence, et réellement établi en principe. Mais ne nous expliquera-t-on jamais ce mot ? La force est une puissance physique ; je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets. Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c’est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ?

Supposons un moment ce prétendu droit. Je dis qu’il n’en résulte qu’un galimatias inexplicable ; car, sitôt que c’est la force qui fait le droit, l’effet change avec la cause : toute force qui surmonte la première succède à son droit. Sitôt qu’on peut désobéir impunément, on le peut légitimement ; et, puisque le plus fort a toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte qu’on soit le plus fort. Or, qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse ? S’il faut obéir par force, on n’a pas besoin d’obéir par devoir ; et si l’on n’est plus forcé d’obéir, on n’y est plus obligé. On voit donc que ce mot de droit n’ajoute rien à la force ; il ne signifie ici rien du tout.

Obéissez aux puissances. Si cela veut dire : Cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu ; je réponds qu’il ne sera jamais violé. Toute puissance vient de Dieu, je l’avoue ; mais toute maladie en vient aussi : est-ce à dire qu’il soit défendu d’appeler le médecin ? Qu’un brigand me surprenne au coin d’un bois, non seulement il faut par force donner la bourse, mais quand je pourrais la soustraire, suis-je en conscience obligé de la donner ? Car, enfin, le pistolet qu’il tient est une puissance.


Mais alors, si ce n’est pas le droit du plus fort, qu’est-ce qui fonde la légitimité d’un pouvoir politique ? Et des lois édictées par celui-ci ? Il faut poursuivre la lecture pour le savoir…


À ce stade, nous pouvons signaler la parenté de ces réflexions avec celles de Pascal dans ses Trois discours sur la condition des grands (1670).


Dans un premier discours, Pascal affirme que la condition des dirigeants n'est pas liée à des qualités naturelles, mais à une suite de hasards établis par la coutume.

Ce n’est pas la naissance ou la lignée qui fait la légitimité du pouvoir du roi : Votre naissance dépend d’un mariage, ou plutôt de tous les mariages de ceux dont vous descendez. Mais ces mariages, d’où dépendent-ils ? D’une visite faite par rencontre, d’un discours en l’air, de mille occasions imprévues 1.

Ce qui fonde cette légitimité, c’est l’institution d’une loi . Et quand ces lois sont une fois établies, il est injuste de les violer.

Pour faire respecter une autorité qui n’est le fruit que du hasard, il ne suffit pas de faire usage de la force. Pascal a cette formule bien connue :

Il faut donc mettre ensemble la justice et la force, et pour cela faire que ce qui est juste soit fort ou que ce qui est fort soit juste.


C’est pourquoi tous les deux, Rousseau et Pascal, auront recours à l’idée d’une souveraineté populaire : Le principe du « consentement à la conduite de l’âme universelle » selon Pascal trouve donc sa reprise chez Rousseau dans « l’engagement » volontaire au principe de l’association politique, qui est d’une espèce absolument particulière parce qu’il n’engage pas deux personnes particulières l’une envers l’autre, mais la volonté de chacun envers tous ; c’est ce qu’attestent la conceptualité d’origine pascalienne de l’énoncé même du contrat d’association rousseauiste et sa singularité dans le champ des théories contractualistes : « chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale ; et nous recevons en corps chaque membre comme partie indivisible du tout, écrit Isabelle Olivo-Poindron.


Pour l’heure, Rousseau ne développe pas encore la souveraineté populaire. Il continue à interroger l’évolution qui a transformé les hommes libres en esclaves de souverains despotes.

Auteure de l'ouvrage :

Margaux Cassan est diplômée de l'ENS-PSL en Philosophie et religions, et est l'auteure de Paul Ricoeur, le courage du compromis. Linkedin

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Rousseau : lecture suivie