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Résumé du Contrat social (page 6)
Livre 2
Définition de la volonté générale
Le deuxième livre du Contrat social commence naturellement par une définition de la volonté générale, qui n’apparaît que quatre fois dans le premier livre, sans être qualifiée véritablement alors.
C’est dans le début du deuxième livre qu’elle fait véritablement l’objet d’une précision conceptuelle.
Qu’est-ce que la volonté générale ?
Rousseau en livre une définition aussi belle qu’inspirante.
La première et la plus importante conséquence des principes ci-devant établis est que la volonté générale peut seule diriger les forces de l’Etat selon la fin de son institution, qui est le bien commun : car si l’opposition des intérêts particuliers a rendu nécessaire l’établissement des sociétés, c’est l’accord de ces mêmes intérêts qui l’a rendu possible. C’est ce qu’il y a de commun dans ces différents intérêts qui forme le lien social, et s’il n’y avait pas quelque point dans lequel tous les intérêts s’accordent, nulle société ne saurait exister. Or c’est uniquement sur cet intérêt commun que la société doit être gouvernée.[...]
Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun, l’autre regarde à l’intérêt privé, et n’est qu’une somme de volontés particulières ; mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entredétruisent, reste pour somme des différences la volonté générale. 1
La volonté générale désigne l’accord du peuple pour un objectif commun.
Ce qu’elle n’est pas…
Il ne s’agit pas de la volonté de tous et/ou la somme de volontés particulières, mais une forme de « volonté citoyenne » globale. La volonté générale peut être contraire à un intérêt particulier à un moment donné, mais elle est toujours favorable à l’intérêt général de ce particulier si l’on peut dire. Par exemple, une société égalitaire émane de la volonté générale, même si elle peut heurter la volonté particulière d’un homme, s’il est mieux doté que les autres. Mais dans l’ensemble, ce même homme a intérêt à ce qu’une société égalitaire soit mise en place.
Cette idée sera fortement critiquée par Hannah Arendt, qui voit dans le fait que l’homme doive lutter contre sa propre singularité pour permettre l’avènement du bien et de l’unité de la nation un danger réel.
Ce qui rend cette solution meurtrière, c’est le fait que le souverain n’est plus une personne ou une multiplicité que je commande, mais qu’il est pour ainsi dire installé en moi en tant que « citoyen » s’opposant à « l’homme particulier ». Dans la « volonté générale », chacun devient en fait son propre bourreau.
Rousseau précise : Ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale
. Cette volonté générale qui occulte les pensées les plus différentes sont, pour Hannah Arendt, une atteinte au pluralisme.
Ce qu’elle permet…
Mais pour Rousseau, elle est à la fois :
1 / La condition d’existence d’une société. S’il n’y avait pas quelque point dans lequel tous les intérêts s’accordent, nulle société ne saurait exister
.
2 / La condition de l’égalité. L’intérêt particulier va aux préférences ; la volonté générale cherche les intérêts communs ; elle est indivisible. C’est pourquoi la métaphore organiciste est employée par Rousseau qui parle du « corps » politique.
Sa forme
La volonté générale, pour reprendre la métaphore organistique, serait un corps « type » du citoyen, sans les excroissances de certains.
À la fin du troisième livre, Rousseau opère une distinction entre la « volonté générale » et les « intérêts particuliers » sous une autre forme : l’opposition entre intérêt public et intérêt financier.
Dans une société où la volonté générale est souveraine, les citoyens sont impliqués dans la vie de la cité, ils volent aux assemblées
pour prendre part aux décisions, participer au débat public.
C’est pourquoi Rousseau propose, pour que la démocratie continue de vivre, de la ponctuer d’assemblées périodiques qui renouvellent chaque fois les termes de l’accord entre parties du contrat social.
Au contraire, quand le service public n’est plus l’affaire des citoyens, quand ceux-ci se mettent à déléguer la souveraineté, et qu’ils paient des fonctionnaires pour ce faire, alors ce n’est plus la volonté générale qui est souveraine, mais les intérêts privés.
Ce mot de Finance est un mot d’esclave, il est inconnu dans la cité. Dans un État vraiment libre les citoyens font tout avec leurs bras et rien avec de l’argent
.
Volonté et souveraineté
La métaphore organiciste s’incarne en particulier dans les développements rousseauistes sur la souveraineté. La « volonté générale » est chez Rousseau synonyme de « la souveraineté populaire ».
D’ailleurs, Hannah Arendt considère Jean-Jacques Rousseau comme le représentant le plus cohérent de la théorie de la souveraineté, qu’il fit dériver de la volonté, de sorte qu’il put concevoir le pouvoir politique à l’image exacte de la volonté-pouvoir individuelle
.
- La volonté, en philosophie, désigne la faculté d’exercer librement un choix gouverné par la raison.
- La souveraineté désigne la qualité d’un État ou d’un peuple de n’être déterminé que par sa volonté. Il y a donc une équivalence entre les deux termes.
C’est encore à Grotius que Rousseau s’attaque – en particulier à l’idée de Grotius selon laquelle le monarque doit être un monarque absolu, qui obtient l’obéissance de ses sujets. Pour Rousseau, cette défense du monarque « face » au peuple est strictement intéressée.
Grotius réfugié en France, mécontent de sa patrie, et voulant faire sa cour à Louis XIII à qui son livre est dédié, n’épargne rien pour dépouiller les peuples de tous leurs droits et pour en revêtir les rois avec tout l’art possible.
Auteure de l'ouvrage :
Margaux Cassan est diplômée de l'ENS-PSL en Philosophie et religions, et est l'auteure de Paul Ricoeur, le courage du compromis.
1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Rousseau : lecture suivie