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couverture du livre le Contrat social de Rousseau

Résumé du Contrat social (page 7)

La séparation des pouvoirs

Rousseau aime la totalité. Rousseau s’oppose à l’existence de société partielle dans l’État 1. Jean-Luc Périllié a d’ailleurs consacré un article à Rousseau en qualifiant sa philosophie politique de « république holistique », c’est-à-dire qui s’intéresse à son objet dans sa globalité .

De la même façon qu’il critique les tentatives sécessionnistes du despote (qui se sent extérieur au corps politique) il n’apprécie pas la séparation des pouvoirs, qui constitue selon lui, une façon larvée de diviser la souveraineté, qui devrait être inaliénable.

Voici comment Rousseau analyse la séparation des pouvoirs (qui ne porte jamais ce nom dans le Contrat Social) :

C’est comme s’ils composaient l’homme de plusieurs corps dont l’un aurait des yeux, l’autre des bras, l’autre des pieds, et rien de plus. Les charlatans du Japon dépècent, dit-on, un enfant aux yeux des spectateurs, puis jetant en l’air tous ses membres l’un après l’autre, ils font retomber l’enfant vivant et tout rassemblé. Tels sont à peu près les tours de gobelets de nos politiques ; après avoir démembré le corps social par un prestige digne de la foire, ils rassemblent les pièces on ne sait comment.


NB :
On l’a vu, Rousseau aime les métaphores, pour le moins burlesques. On peut se demander pourquoi Rousseau choisit les Japonais pour illustrer le démembrement de la souveraineté dans la politique.

Étant soumis à la censure, Rousseau a tout intérêt à prendre comme exemple un peuple lointain, et non la France ou Genève. C’est pourtant à un Français que Rousseau s’attaque directement : Montesquieu et son principe de séparation des pouvoirs.


Montesquieu, dans De l’Esprit des lois :
Lorsque, dans la même personne ou dans le même corps de magistrature, la puissance législative est réunie à la puissance exécutrice, il n’y a point de liberté ; parce qu’on peut craindre que le même monarque ou le même sénat ne fasse des lois tyranniques, pour les exécuter tyranniquement.
Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative, et de l’exécutrice. Si elle était jointe à la puissance législative, le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire ; car le juge serait législateur. Si elle était jointe à la puissance exécutrice, le juge pourrait avoir la force d’un oppresseur. Tout serait perdu, si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs ; celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.


Pour Montesquieu, la séparation des pouvoirs est un rempart au fait qu’une personne concentre tous les pouvoirs. Distribuer les pouvoirs, c’est freiner l’instauration d’un pouvoir despotique. Pour Rousseau, au contraire, pour éviter le despotisme, il faut que tous les pouvoirs soient soumis au regard du Législateur.


NB :
Cette contestation de Montesquieu est très rare chez les contemporains de l’époque. Comme le souligne Robert Derathé, l’Esprit des lois fait l’unanimité.

Numa, Lycurgue : les modèles

Face à Grotius, anti-modèle, Lycurgue constitue le modèle absolu. Lycurgue est un législateur mythique de Sparte dont nous avons dit qu’elle était érigée en modèle par Rousseau. Arrêtons-nous un instant sur les modèles de Rousseau : Lycurgue ou Numa.

- Lycurgue, après sa visite à Delphes pour interroger Apollon et la Pythie, se rend à Sparte, convoque les trente citoyens les plus éminents de l’agora, et rédige la Constitution de Sparte. Sa première mesure est d’établir une forme de Sénat qui compense le pouvoir des rois – c’est-à-dire qu’il commença par abdiquer la Royauté.

- Numa, deuxième roi de la monarchie romaine, est connu pour avoir institué des rites et des cérémonies religieuses. Pour Rousseau, c’est le véritable fondateur de Rome. C’est lui qui unifie les brigands en un corps politique indissoluble, en les transformant en citoyen.


Dans un texte plus tardif, paru en 1772, Les considérations sur le gouvernement de Pologne, voici ce que Rousseau écrivait sur Lycurgue. Il s’agit d’un extrait du chapitre II : « Esprit des anciennes institutions ».

Lycurgue entreprit d’instituer un peuple déjà dégradé par la servitude et par les vices qui en sont l’effet. Il lui imposa un joug de fer, tel qu’aucun autre peuple n’en porta jamais un semblable ; mais il l’attacha, l’identifia pour ainsi dire, à ce joug, en l’en occupant toujours. Il lui montra sans cesse la patrie dans ses lois, dans ses jeux, dans sa maison, dans ses amours, dans ses festins ; il ne lui laissa pas un instant de relâche pour être à lui seul.

Et de cette continuelle contrainte, ennoblie par son objet, naquit en lui cet ardent amour de la patrie qui fut toujours la plus forte, ou plutôt l’unique, passion des Spartiates, et qui en fit des êtres au-dessus de l’humanité.

Sparte n’était qu’une ville, il est vrai ; mais, par la seule force de son institution, cette ville, donna des lois à toute la Grèce, en devint la capitale, et fit trembler l’empire persan. Sparte était le foyer d’où sa législation étendait ses effets tout autour d’elle.



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Auteure de l'ouvrage :

Margaux Cassan est diplômée de l'ENS-PSL en Philosophie et religions, et est l'auteure de Paul Ricoeur, le courage du compromis. Linkedin

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Rousseau : lecture suivie