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couverture du livre l'Imaginaire de Sartre

Résumé de l'Imaginaire (page 5)

IV/ La vie imaginaire

L'objet en image a un mode d'existence très particulier


- Je cherche à l'obtenir en entier : il n'apparaît pas comme dans la perception, sous un angle particulier ; il ne se donne pas d'un point de vue. Je n'ai que faire de Pierre vu à sept heures du soir, de profil 1. Ce que je veux, c'est Pierre tout court.

Pierre m'apparaîtra dans une certaine position. Mais il est comme les silhouettes dessinées par les enfants : le visage est vu de profil, et cependant on a marqué les deux yeux. Les objets imagés sont vus de plusieurs côtés à la fois.


- L'objet en image est un irréel. Sans doute il est présent, mais en même temps il est hors d'atteinte. Je ne puis le toucher, le changer de place, ou alors seulement irréellement 2.

Sartre remarque que ces objets sont pure passivité, ils attendent. La faible vie que nous leur insufflons vient de nous, de notre spontanéité. Si nous nous détournons d’eux, ils s'anéantissent 3.


L'espace et le temps de l'objet participent de cette irréalité.

L'espace de l'image n'est pas celui de la perception. Pierre imaginé ne m'apparaîtra pas dans un lieu déterminé. Il apparaît à cinq mètres de moi, mais comme si c'était là une sorte de qualité absolue : L'image porte à l'absolu les qualités sensibles 4.

Le temps : il y a des objets irréels qui apparaissent à la conscience sans aucune détermination temporelle. Si par exemple, je me représente un centaure, cet objet irréel n'appartient ni au présent, ni au passé, ni à l'avenir […] Moi qui me représente le centaure, je change, mais le centaure lui n'a pas varié, n'a pas vieilli, n'a pas pris une seconde de plus : c'est un intemporel 5.

D'un autre côté, on trouve des objets imagés qui s'écoulent plus vite que la conscience. Par exemple la plupart de nos rêves sont fort courts. Or le drame onirique peut occuper plusieurs journées :

Le temps des objets irréels est lui-même irréel. Du temps de la perception, il n'a aucune caractéristique : il ne s'écoule pas, il peut à volonté se déployer ou se contracter en demeurant le même, il n'est pas irréversible. C'est une ombre de temps, qui convient bien à cette ombre d'objets avec son ombre d'espace. Rien ne sépare plus sûrement de moi l'objet réel : le monde imaginaire est entièrement isolé, je ne puis y entrer qu’en m’irréalisant 6.


Il y a une pauvreté essentielle de l'objet en image : je le réduis à quelques rapports seulement.

L'objet irréel ne peut non plus exercer d'action causale. L'objet irréel ne peut me rendre plus tendre. Il faut que je me détermine moi-même être tendre en face de lui.


Il y a une différence de nature entre les sentiments en face du réel et les sentiments en face de l’imaginaire.

Par exemple, un amour varie du tout au tout, selon que son objet est présent ou absent.

Lorsque l’être aimé s'en va, mon amour change.

Avant son départ mon amour passion était subordonné à son objet : comme tel je l’apprenais sans cesse, sans cesse il me surprenait 7.

Maintenant, il s'est arrêté : il ne se fait plus, à peine peut-il traîner dans les formes qu'il a déjà prises : il est devenu scolastique en quelque sorte, on peut lui donner un nom, classer ces manifestations 8.

Le sentiment s'est dégradé car sa richesse inépuisable venait de l'objet : il y avait toujours plus à aimer dans l'objet que je n'aimais en fait et je le savais.

Cela se rapproche de l'idée au sens kantien : l'idée de ma bien-aimée Annie est inépuisable, et corrélativement mon amour pour elle est inépuisable.

Par un renversement essentiel, c'est maintenant le sentiment qui produit son objet, et Annie irréelle n'est plus que le strict corrélatif de mes sentiments pour elle 9.

1 4ème partie, I, 1, p.239
2 ibid., p.240
3 ibid.
4 ibid., p.245
5 ibid., p.249
6 ibid., p.253
7 I, 2, p.277
8 ibid.
9 ibid., p.278