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couverture du livre l'Imaginaire de Sartre

Résumé de l'Imaginaire (page 7)

Conclusion

Quels sont les caractères qui peuvent être conférés à la conscience du fait qu'elle est une conscience qui peut imaginer ? Sa faculté d'imaginer est-elle une propriété contingente ou essentielle à la conscience ? Ou encore : dès qu’on pose une conscience, doit-on la poser comme pouvant imaginer ?

Je saisis une image comme irréelle, autrement dit je la saisis comme un néant pour moi :

L’acte imaginatif est à la fois constituant, isolant et anéantissant 1.

La condition essentielle pour qu’une conscience puisse imager est qu'il faut qu'elle ait la possibilité de poser une thèse d’irréalité.


Sartre prend l'exemple du portrait de Charles VIII : pour le percevoir comme image, je dois cesser de considérer le tableau en tant qu'il fait partie d'un monde réel.

Il ne se peut plus que l'objet perçu sur le tableau soit susceptible d'être altéré par les changements du milieu qui l'entoure.

Ce tableau lui-même, en tant que chose réelle, peut brûler. Mais l'image de Charles VIII ne peut plus être soumise, par exemple, à des modifications d’éclairement. Il n'est pas vrai que je puisse par exemple éclairer plus ou moins la joue de Charles VIII. L’éclairement de cette joue a été une fois pour toutes réglé dans l’irréel par le peintre.

Pareillement si le tableau brûle, ce n'est point Charles VIII en image qui brûle, mais simplement l'objet matériel qui sert d'analogon pour la manifestation de l’objet imagé.


Donc la conscience pour produire l'objet en image « Charles VIII » doit pouvoir nier la réalité du tableau. Poser une image c'est constituer un objet en marge de la totalité du réel, c'est donc tenir le réel à distance, s'en affranchir, en un mot le nier.

Toute création d'imaginaire serait impossible à une conscience dont la nature serait d'être au-milieu-du-monde 2.


Si la conscience est enlisée, […] embourbée 3 dans ce monde-ci, s'il existe un déterminisme psychologique, si la conscience est une succession de faits psychiques déterminés, il est totalement impossible qu'elle produise jamais autre chose que du réel :

Pour qu’une conscience puisse imaginer, il faut qu'elle échappe au monde par sa nature même, il faut qu'elle puisse tirer d'elle-même une position de recul par rapport au monde. En un mot il faut qu'elle soit libre 4.

La néantisation que fait la conscience est l'envers de sa liberté : pour imaginer, la conscience doit être libre. L'imagination n'est pas un caractère inessentiel de la conscience, c'est la conscience tout entière en tant qu'elle réalise sa liberté.


Sartre peut maintenant, à la lumière de ces réflexions, aborder la thématique de l’œuvre d’art.

En effet, tout comme l’image, l'objet esthétique est un irréel […] Ce qui est réel, ce sont les résultats des coups de pinceau, l'empâtement de la toile, son grain… Mais précisément tout cela ne fait point l'objet d'appréciations esthétiques. Ce qui est « beau », au contraire, c'est un être qui ne saurait se donner la perception et qui est isolé de l'univers 5.

Comme l'objet est irréel en art, il y a un désintéressement de la vision esthétique : il est indifférent que l'objet existe.

Une objection surgit cependant : la musique ne semble pas irréelle car elle renvoie qu'à elle-même. Mais en fait lorsque j'écoute la septième symphonie, je ferme les yeux, sépare cette musique de tout ce qui la date ici et maintenant. Je veux l'entendre nulle part.

Ce réel n'est jamais beau. La beauté est une valeur qui ne saurait s'appliquer qu’à l’imaginaire et qui comporte la néantisation du monde dans sa structure essentielle 6.


1 Conclusion, p.348
2 ibid., p.353
3 ibid.
4 ibid.
5 ibid., p.363
6 ibid., p.371