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couverture du livre

Résumé du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (page 2)

Préface

Dans la préface, Rousseau rappelle que « l’homme » est le sujet philosophique par excellence. Ainsi, dit-il, pour comprendre l’origine des inégalités parmi les hommes, ce sont d’abord les hommes eux-mêmes qu’il faut connaître, dans leur « état de nature ».

Mais pour connaître les hommes, nous devons être sûrs que les caractéristiques que nous leur conférons sont structurelles et ne relèvent pas uniquement de l’époque dans laquelle on s’inscrit.

Comme la statue de Glaucus, l’homme change dans l’Histoire. Et plus nous avançons dans le temps, moins nous connaissons les hommes tels qu’ils ont été. Certains, pour Rousseau, s’en rapprochent plus que les autres : ce sont les « hommes sauvages » (que nous appelons désormais les sociétés primitives).


D’ailleurs, dès la préface, Rousseau identifie une première inégalité entre les hommes qui sont rapidement sortis de l’état de nature et ceux qui, au contraire, y sont demeurés plus longtemps. Il reste que le défi de démêler ce qui relève du structurel ou de l’artificiel dans la nature actuelle de l'homme est immense.

D’autres s’y sont essayés mais ils donnent le nom de loi naturelle à la collection de ces règles, sans autre preuve que le bien qu’on trouve qui résulterait de leur pratique universelle 1. Par-là, Rousseau entend que l’on a tendance à décrire comme naturelles des caractéristiques sous prétextes qu’elles sont universelles.

Or, l’universalité d’une pratique ne veut pas dire qu’elle n’a pas été instituée par la civilisation. Nous comprendrons davantage cette position en étudiant un peu plus loin la critique sous-jacente qui est faite de John Locke ici.


Pour l’heure, Rousseau formule deux hypothèses sur l’homme naturel :

1. Qu’il a un instinct de conservation (cette expression aujourd’hui usitée est née des écrits de Rousseau sur l’état de nature).

2. Qu’il a une répugnance naturelle à voir souffrir ses semblables. C’est ce que Rousseau désigne plus tard avec le concept de « pitié naturelle ».


La pitié naturelle est ainsi décrite par Rousseau : un sentiment qui nous pousse à éprouver de la tendresse pour nos semblables et de la réticence à l’idée de les voir souffrir. Tous les animaux partagent la pitié que l’on observe chez l’homme. Rousseau prend exemple sur les hommes qui répugnent à voir un cheval fouler aux pieds un corps vivant ou celui d’un homme horrifié de voir une bête féroce arracher un enfant au sein de sa mère, quand bien même il ne serait attaché en rien à cette famille. La pitié est une vertu à la fois naturelle et universelle, grâce à laquelle les hommes ne sont pas de simples monstres. C’est même la vertu cardinale, celle qui les unit toutes : La générosité, la clémence, l’humanité sont toutes des formes de pitié appliquée[s] aux faibles, aux coupables, ou à l’espèce humaine en général 1.


NB :
La distinction entre le « vrai » homme et le « monstre » est un poncif de la philosophie rousseauiste, que l’on retrouvera plus loin dans le texte puis dans Rousseau juge de Jean-Jacques.


Ces deux principes (l’instinct de conservation et la pitié) pour Rousseau, sont antérieurs à la raison. On comprend un peu mieux ce que Rousseau entend par l’état de nature : une nature de l’homme avant la civilisation, et avant même l’existence de l’homme comme être de raison. Pour Rousseau, la bonté n’est pas le fait de la raison mais de la sensibilité.

Autrement dit, la protection de nos semblables n’est pas l’apanage des sociétés humaines civilisées. Il [l’homme à l’état de nature] ne fera jamais du mal à un autre homme ni même à aucun être sensible, excepté dans le cas légitime où sa conservation se trouvant intéressée, il est obligé de se donner la préférence à lui-même.

Au contraire, dans L’Émile, Rousseau dit de l’homme civilisé : Il force une terre à nourrir les productions d’une autre, un arbre à porter les fruits d’un autre ; il mêle et confond les climats, les éléments, les saisons ; il mutile son chien, son cheval, son esclave ; il bouleverse tout, il défigure tout, il aime la difformité, les monstres.


La préface s’achève avec une citation en latin : Quem te Deus esse jussit, et humana qua parte locatus es in re, Disce. "Apprends ce que Dieu a voulu que tu sois, et quelle est ta place dans le monde humain."

Henri Guillemin explique ainsi cette citation : Rousseau est chrétien, mais il ne souscrit pas au péché originel tel qu’il est raconté par la théologie catholique. En revanche, il souscrit à la Chute – c’est la société qui a transformé l’homme en un être mauvais. Son amour du bien s’est trompé d’objet.


Jean Starobinski, grand commentateur de Rousseau explique ainsi le Second Discours :

Rousseau transporte le mythe religieux dans l’histoire elle-même ; il la divise en deux âges : l’un, temps sage de l’innocence, règne tranquille de la pure nature ; l’autre, histoire en devenir, activité coupable, négation de la nature par l’homme. (Cité par Henri Guillemin).

Et Henri Guillemin de compléter : Tout son deuxième Discours n’est qu’une pénible tentative pour rendre compte, sans le recours à la fable, de notre déchéance.

Auteure de l'ouvrage :

Margaux Cassan est diplômée de l'ENS-PSL en Philosophie et religions, et est l'auteure de Paul Ricoeur, le courage du compromis. Linkedin

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Rousseau : lecture suivie