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couverture du livre

Résumé du Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (page 4)

Première partie

Dans cette première partie, Rousseau s’attache encore à décrire ce qu’il ne fera pas : en l’occurrence s’intéresser à l’anatomie comparée entre l’homme tel qu’il est aujourd’hui et celui qu’il a été.

Rousseau ne se prétend ni scientifique ni historien. Ainsi, quand il décrit l’homme dans ce qu’il appelle « l’état de nature », il précise bien : Je vois un animal moins fort que les uns, moins agile que les autres, mais, à tout prendre, organisé le plus avantageusement de tous 1 comme s’il s’imaginait cet être.


Ce que Rousseau voit donc, ce qu’il se figure, c’est un animal parmi d’autres. Celui-ci est moins fort que les autres, mais il est capable d’adaptation et d’apprentissage. C’est ce que Rousseau entend par la formule organisé le plus avantageusement, comme nous le comprendrons au fil du texte.

Un peu plus loin, Rousseau écrit :

La nature en use précisément avec eux [les hommes de l’état de nature] comme la loi de Sparte avec les enfants des citoyens ; elle rend forts et robustes ceux qui sont bien constitués, et fait périr tous les autres : différente en cela de nos sociétés, où l’état, en rendant les enfants onéreux aux pères, les tue indistinctement avant leur naissance.

Dans cet extrait, plusieurs thèses rousseauistes apparaissent.


1. La loi de Sparte évoquée ici – Rousseau considère Sparte, plus qu’Athènes comme un modèle de société idéale, le type même de la société politique vertueuse– est juste et bonne précisément parce qu’elle imite la loi de nature qui renforce les forts et balaie les plus vulnérables. Ici, Rousseau est très proche de ce qui sera la théorie de l’évolution de Darwin plus d’un siècle plus tard. Au contraire, les enfants de nos sociétés sont « onéreux » aux pères, c’est-à-dire, dans ce cas particulier, dépendants. La dépendance équivaut chez Rousseau à la faiblesse.

NB :
Dans le français de l’époque, « onéreux », ne veut pas dire « cher » mais « qui est incommode, pesant, lourd à supporter ».


2. Pour le philosophe, le progrès technique a fait de l’homme un être dépendant des machines et des outils. Il a abêti les corps robustes de l’état de nature. Dans ce dernier, les hommes étaient capables d’affronter un animal sauvage car le combat était équilibré entre la force de l’animal et l’adresse de l’homme. Dans le cas contraire, l’homme pouvait toujours se réfugier dans un arbre et rétablir l’équilibre vis-à-vis des prédateurs.


La technique nous atténue plus qu’elle ne nous augmente, car elle nous rend impuissants en l’absence de machines : mais il y a autre chose. Chez Rousseau, même la médecine a des effets pervers. Pour lui, la médecine ne sauve pas, ne rallonge pas l’espérance de vie – bien au contraire.


Cette théorie qui peut sembler contre-intuitive s’explique ainsi : pour Rousseau, la médecine de ses contemporains soigne des maux dont nous sommes les seuls auteurs. Dans l’état de nature, nous n’aurions pas besoin de médecine car la plupart des maladies traitées par les médecins n’existent pas dans l’état sauvage. Comme l’animal sauvage qui devient chétif quand on le domestique, l’homme civil est bien plus vulnérable que l’homme sauvage.

Ainsi par exemple, en restant assis toute la journée dans un bureau, nous avons mal au dos, et nous devons consulter un kinésithérapeute.


Cette méfiance vis-à-vis de la médecine le distingue des penseurs des Lumières, notamment de Voltaire qui, à la même époque, croit dans le progrès, se soigne, expérimente de nouveaux remèdes. On apprend dans Les Confessions que Rousseau entretient un rapport biographique sensible avec la maladie, dont il dit se sortir seul, sans le concours des médecins et par la simple force de sa bonne constitution.

J'ai dit, dans ma première partie, que j'étais né mourant. Un vice de conformation dans la vessie me fit éprouver, durant mes premières années, une rétention d'urine presque continuelle, et ma tante Suzon, qui prit soin de moi, eut des peines incroyables à me conserver. Elle en vint à bout cependant ; ma robuste constitution prit enfin le dessus, et ma santé s'affermit tellement, durant ma jeunesse, qu'excepté la maladie de langueur dont j'ai raconté l'histoire, et de fréquents besoins d'uriner, que le moindre échauffement me rendit toujours incommodes, je parvins jusqu'à l'âge de trente ans sans presque me sentir de ma première infirmité.


Cette parenthèse sur la médecine sert à justifier la thèse suivante : l’état de nature n’est pas un état de privation, car rien de ce que nous pensons avoir gagné par le progrès n’était utile à l’homme sauvage. Cela vaut pour la médecine, mais aussi pour le logement ou les vêtements.

Auteure de l'ouvrage :

Margaux Cassan est diplômée de l'ENS-PSL en Philosophie et religions, et est l'auteure de Paul Ricoeur, le courage du compromis. Linkedin

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Rousseau : lecture suivie