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couverture du livre L’Ancien Régime et la Révolution

Résumé de L’Ancien Régime et la Révolution (page 2)

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Pourquoi la Révolution a-t-elle éclaté en France plutôt qu’ailleurs (Livre I – Chapitre 3 et Livre II – Chapitre 1)

Bien que l’Europe se soit morcelée depuis le Moyen-Âge en de multiples pays, les institutions aristocratiques et féodales restent fort homogènes et, au XVIIIème siècle, elles se sont également affaiblies sur le continent suite à la montée des nouveaux pouvoirs de la monarchie absolue et de son administration et de l’avènement de la bourgeoisie.

La Révolution a accéléré ce mouvement de décomposition en détruisant ces institutions pour les remplacer par un ordre social et politique plus uniforme et plus simple, basé sur l’égalité des conditions.


Il semble paradoxal que la Révolution ait eu lieu d’abord en France puisque de tous les pays européens, c’est celui où les contraintes imposées par le seigneur local à la population sont les moins pesantes.

En particulier, le paysan français peut devenir propriétaire foncier, bien que cette propriété soit limitée par les droits seigneuriaux. L’attachement passionné du Français à cette propriété foncière et sa subdivision au fil des héritages sont des traits qui distinguent la France de l’Allemagne ou de l’Angleterre.

Ainsi, les servitudes imposées par le seigneur, pour la plupart liées à l’exploitation de la terre et de ses produits, étaient d’autant plus insupportables pour le paysan français que celui-ci était souvent propriétaire de cette même terre. Servitudes encore plus intolérables dès lors que le seigneur s’est depuis longtemps retiré du gouvernement concret des campagnes, abandonné aux seuls fonctionnaires royaux.

Contrairement aux autres pays, la seule chose qui distingue le seigneur français, laïque ou ecclésiastique, du reste de la population est la survivance de ses privilèges, sans aucune contrepartie en termes de charge de gouvernement ou d’administration, finissant par attiser la haine de la population.

Comment l’Ancien Régime invente l’Etat Central (Livre II – Chapitres 2 à 7)

La centralisation administrative est une création de l’Ancien Régime et non de la Révolution ou de l’Empire. Le Conseil du Roi, corps administratif près du trône, et le Roi lui-même ont fini par concentrer tout le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, dépouillant progressivement, sans leur ôter en apparence, les anciennes institutions féodales de leurs pouvoirs.

Le gouvernement du pays s’opère via un réseau d’intendants (assistés de subdélégués locaux), indépendants de la noblesse, nommés et révoqués par le Conseil, et qui sont répartis dans toutes les provinces et rapportent au contrôleur général et aux ministres.

Cette chaîne d’administration est en charge de toutes les affaires publiques : la collecte de l’impôt et la levée de la milice, l’entretien des routes, les travaux publics, la police, l’éducation, l’entretien des églises, la gestion des disettes, le développement de l’agriculture et la justice ordinaire.

La monarchie a confisqué le gouvernement des villes autant que celui des campagnes en vendant (mises en office) les fonctions d’administration municipales à quelques bourgeois tout en conservant l’essentiel du pouvoir via son réseau d’intendants.

Au sein des paroisses rurales, des apparences de pouvoir local sont maintenues, mais jusque dans le plus petit hameau, la réalité du pouvoir est dans les mains de l’administration royale.

De plus, les fonctionnaires jouissent d’une parfaite immunité judiciaire.


Pour pouvoir contrôler l’ensemble du pays jusque dans ses moindres détails, l’administration se transforme en une lourde bureaucratie, tatillonne, lente et jalouse de tout pouvoir indépendant.

Elle finit par constituer une classe à part entière, une nouvelle aristocratie ambitieuse dans sa volonté de développer le pays mais improductive par son manque de persévérance dans la réforme et par l’instabilité législative qu’elle génère, enchaînant les lois non exécutées ou souffrant de mille exceptions dans leur application pratique.

Puisque tous les pouvoirs intermédiaires ont été supprimés de fait, le peuple n’entrevoit que l’Etat comme cause et solutions à tous les problèmes.

L’Etat se retrouve ainsi inondé de requêtes et de demandes de subsides de la part de tous les habitants, des plus humbles aux plus fortunés, défendant leurs intérêts privés sous couvert du bien public.

En détruisant l’aristocratie, la Révolution fait apparaître et renforce la centralisation administrative préexistante et la concentration des pouvoirs.

L’omnipotence parisienne ne date pas non plus de la Révolution. Il semble que toute l’énergie, politique, intellectuelle, économique et artistique de la nation s’y concentre.

La Province sombre dans l’inertie et le silence, ce qui facilitera le découpage administratif à venir sous la Révolution.


Auteur de l'article :

Jérôme Dugué, banquier, diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes.