Résumé de L’Ancien Régime et la Révolution (page 5)
Comment le règne de Louis XVI hâta paradoxalement la Révolution (Livre II, chapitres 16, 17, 18 et 19)
Prospérité prérévolutionnaire
Quelques décennies avant la Révolution, le corps social tout entier, et jusqu’à son gouvernement, est pris d’une volonté de changement.
Le respect de la liberté et de la vie des hommes progresse, comme l’intérêt pour les plus pauvres.
Une certaine prospérité économique apparaît, bien que l’Etat se ruine pour financer la Guerre d’Amérique, confortée par un gouvernement assurant l’ordre et dynamisée par des classes supérieures éclairées et dont on respecte le droit de propriété.
L’opinion publique dispose d’une grande influence sur le gouvernement.
Paradoxalement, à mesure que se développe cette prospérité, le mécontentement s’accroit.
Les Français trouvent leur situation d’autant plus insupportable qu’elle s’améliore, car la croyance en un avenir toujours meilleur devient possible, rendant insensible aux biens déjà acquis, et renforçant l’intolérance aux injustices et à l’arbitraire de l’Etat.
En particulier, les classes favorisées, qui détiennent la dette de l’Etat, redoutent de ne pas voir rembourser leurs créances. Elles réclament une profonde réforme des finances, sans envisager que cela aboutira à la destruction complète du régime en place.
Comment on souleva le peuple en voulant le soulager
Le gouvernement royal, jouant le Peuple contre ses concurrents politiques (l’administration et l’aristocratie, les riches, les Parlements locaux…), accompagne ses réformes d’un virulent discours de dénonciation des injustices qu’il souhaite combattre, ce qui ne fait qu’attiser l’animosité du Peuple envers ces injustices. D’autant que de nombreuses réformes (l’abolition de la corvée et des corporations) n’aboutissent pas.
Tout cela encourage dans l’esprit du peuple l’idée que c’est aux supérieurs qu’il doit toujours s’en prendre de ses maux.
Les privilégiés eux-mêmes, dans la décennie précédant la Révolution, se prennent de bons sentiments pour les plus misérables et pratiquent une généreuse charité, mais sans jamais aller jusqu’à proposer la suppression de leurs privilèges fiscaux, ni se départir d’un certain dédain à leur égard.
Tous ces discours font l’objet d’une publication à grande échelle et, reçus par le Peuple, attiseront son envie et sa haine des classes supérieures, qui couvent sous une apparente tranquillité.
De quelques pratiques à l’aide desquelles le gouvernement acheva l’éducation révolutionnaire du peuple
La politique de réforme de Louis XV, peu respectueuse des droits acquis, fut un encouragement au mouvement révolutionnaire, de même que la doctrine de Louis XIV selon laquelle toutes les terres du Royaume appartiennent en premier lieu à l’Etat et dont la propriété n’a été que concédée.
L’administration encourage le mépris de la propriété privée lors des travaux publics qui occasionnent des expropriations à vil prix, voire non payés du tout, lésant de multiples petits propriétaires terriens.
De même, le gouvernement détourne de leur objet l’argent des fondations privées, au nom de l’intérêt public.
Enfin, s’il existe des garanties pour protéger le pauvre contre les atteintes des citoyens plus riches, dès lors qu’une affaire est portée contre l’Etat, un simulacre de justice se met en place.
Chaque jour le gouvernement enseigne au peuple le code d’instruction criminelle le mieux approprié au temps de la révolution et le plus commode à la tyrannie
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Comment une grande révolution administrative avait précédé la révolution politique
Tocqueville décrit comment la réforme administrative de 1787 désordonna les affaires publiques en remplaçant le pouvoir de l’intendant par celui de l’assemblée provinciale, sans toutefois supprimer la fonction d’intendant, censé aider et surveiller ladite assemblée.
Le remplacement du pouvoir d’un seul par une assemblée collective et inexpérimentée fut source de grand désordre, d’autant que l’intendant faisait tout pour lui nuire, grippant totalement la marche de l’administration.
Dans les villages, des assemblées paroissiales sont en charge des affaires courantes, et notamment de la collecte de l’impôt. Les seigneurs les président de droit, mais ne peuvent y voter. Loin de rapprocher les trois Ordres, ces assemblées soulignent les privilèges et les intérêts contraires.
Ainsi, avant que n’éclate la Révolution de 1789 et qu’une nouvelle constitution n’apparaisse, toutes les règles et habitudes administratives avaient déjà été bouleversées, préparant le bouleversement du gouvernement central.
Auteur de l'article :
Jérôme Dugué, banquier, diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Rennes.