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couverture du livre la Crise des sciences européeennes de Husserl

Résumé de la Krisis (page 9)

III/ Clarification du problème transcendantal - fonction de la psychologie

La phénoménologie transcendantale part d’une question en retour sur le monde-de-la-vie donné d’avance.

Le présupposé inexprimé de Kant est d’accepter le monde ambiant de la vie comme une évidence.

Husserl part de ce monde qu’on perçoit immédiatement. Les choses se donnent à nous dans le voir, dans le toucher, etc. Nos organes de perception sont pris dans un mouvement qu’Husserl nomme « kinesthèse ».


La « chair » participe à ces différentes sensations : La chair est d’une façon tout à fait unique toujours présente dans le champ de la perception, avec une immédiateté entière, dans un sens d’être tout à fait unique […] qui est désigné par le mot organe 1.

La chair se distingue fondamentalement du corps. Je ne perçois pas la chair des autres, seulement leur corps. Je ne peux percevoir que ma propre chair.

Le monde de la vie est un royaume de phénomènes subjectifs demeurés anonymes :

Aucune science objective, aucune psychologie dont c’était pourtant la volonté que de s’ériger en science universelle du subjectif, aucun philosophe non plus, n’ont jamais découvert ce royaume du subjectif.

C’est là le privilège de la phénoménologie transcendantale.

Kant est averti par Hume qu’il faut éviter tout recours à la psychologie. Il empêche ses lecteurs de recourir à l’intuition empirique, ou à la réflexion sur nos états intérieurs pour poser la problématique authentique de l’entendement.


Husserl rappelle que le monde-de-la-vie fonctionne constamment comme arrière-fond, et constitue un sol de validité constant, une source toujours prête d’évidences 2. Ainsi, les sciences bâtissent sur l’évidence du monde de la vie, car c’est de lui qu’elles tirent ce qui est nécessaire à leur but respectif.

Le problème tient donc dans le fait que le « subjectif-relatif » du monde de la vie doit être surmonté par le savant, qui doit plutôt viser l’être en soi, mais en même temps le subjectif-relatif est pour lui source de confirmation ou d’évidence.

Il faut faire valoir le droit originel des évidences du monde-de-la-vie. Il faut bien comprendre qu’il contient les sources cachées du fondement des sciences de la nature.


Quittons donc l’évidence objectivo-logique pour revenir à l’évidence originelle dans laquelle le monde-de-la-vie est constamment donné.

Le paradoxe, rappelons-le, est que le monde des sciences semble plus vrai que le monde-de-la-vie, mais qu’en même temps il se fonde sur celui-ci (et est englobé par celui-ci).

Pour résoudre ce problème, il faut trouver un nouveau type de science.

Pour ce faire, il faut une épochè par rapport aux sciences objectives.

Husserl définit le monde de la vie comme le monde spatio-temporel des choses, telles que nous les éprouvons dans notre vie pré- et extra-scientifique 3.

Ce monde a un « horizon », qui désigne l’ensemble des choses dont nous pouvons avoir une expérience.

On va chercher un a priori universel relevant purement du monde de la vie 4.

En effet, c’est seulement en recourant à cet a priori, qui doit se déployer dans une science a priorique spéciale, que nous pouvons trouver un fondement vraiment radical pour nos sciences aprioriques, les sciences objectivo-logiques 5.


Husserl montre qu’il y a une différence fondamentale entre la manière dont nous avons conscience du monde et celle dont nous avons conscience […] d’un objet 6 situé dans ce monde.

Le mode d’être d’un objet dans le monde est différent du mode d’être du monde ; on en a donc conscience selon deux modes de conscience différents.


Par l’épochè transcendantale, on va suspendre la validité du monde donné d’avance. On atteindra ainsi la pré-donnée du monde en tant que tel 7. Suspendre sa validité, cela signifie ne plus affirmer que ce monde-de-la-vie renvoie à un monde extérieur existant réellement.

C’est là le sens de la fameuse réduction (ou épochè) transcendantale d’Husserl, sur laquelle s’édifie la phénoménologie transcendantale.

Le monde n’a pas disparu ; il ne perd rien de son être ni de ses vérités objectives, mais tous les intérêts naturels sont hors de jeu :

Je me tiens au-dessus du monde, qui désormais est devenu pour moi un phénomène 8.


Il y a à présent une réduction du « monde » au phénomène transcendantal « monde » et du même coup à son corrélat : la subjectivité transcendantale. Celle-ci représente le lieu et la source de tout le contenu du monde.

Pour décrire cette subjectivité dans ses opérations, les différentes façons dont elle effectue le monde en elle-même comme sens d’être, il ne faut plus nous mouvoir sur le vieux terrain familier du monde.

Il ne faut pas chercher les causes cachées de celui-ci, mais simplement en traiter du point de vue sous lequel [il] vaut subjectivement, c’est-à-dire de l’aspect sous lequel cela se donne 9.

Autrement dit au lieu d’être orienté sur les choses pour les connaître comme elles sont, on les interroge au contraire sur les modes de leur donation subjective, sur la façon dont elles s’offrent comme étant 10.


Or on a vu que dans la perception de choses est impliqué un horizon entier de modes d’apparition. D’autre part, les choses ne se donnent à nous que sous une seule face, mais par une synthèse, on construit ces différentes faces en objet. Enfin, si la perception se rattache au présent, ce présent a toujours derrière soi un passé infini et devant soi un avenir ouvert 11. Ce qui fait que de cet objet il y a une continuité de rétentions et dans la direction opposée une continuité de protentions 12.

Il y a trois instances, que l’on saisit au cœur du cogito : l’ego, la cogitatio (ou pôle subjectif), et enfin la cogitata (le pôle objectif).


Le paradoxe de la subjectivité humaine est d’être sujet pour le monde, et en même temps, objet pour le monde.

Dans l’épochè, tout l’objectif s’est métamorphosé en subjectif 13.


Husserl ne déploie pas ici le contenu et la méthode de la phénoménologie transcendantale. Pour cela, il faut se reporter de préférence aux Méditations cartésiennes.

Il continue simplement à décrire le chemin qui mène de la psychologie à la phénoménologie transcendantale, et conclut : La philosophie n’est rien d’autre que rationalisme, et ce de part en part 14.


1 III,28, p.121
2 III,33, p.138
3 III, 36, p.157
4 III,36,p.160
5 ibid.
6 III,37, p.162
7 III, 39, p.168
8 III, 41, p.173
9 III, 45, p.178
10 III, 46, p.180
11 III, 46, p.182
12 ibid.
13 III, 53, p.203
14 III, 73, p.302