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couverture du livre

Résumé de : Traité de la nature humaine

A 23 ans, Hume, alors en France, commence à rédiger le Traité de la nature humaine. Il est publié en 1739-1740 : Hume a alors 28 ans.

Le livre ne rencontre pas le succès escompté, ce qui amène son auteur à rédiger des ouvrages plus faciles d'accès, tels que l'Enquête sur l'entendement humain.

Aujourd'hui, il est considéré comme un chef-d'œuvre emblématique de l'empirisme anglais.

Il se compose de trois volumes, consacrés respectivement à l'entendement, les passions et la morale.



Introduction

Le scepticisme de Hume transparaît dès les premières lignes de l’Introduction : déplorant l’ignorance où nous nous trouvons encore au sujet des questions les plus importantes qui se peuvent présenter devant le tribunal de la raison humaine, il estime que même les systèmes qui ont obtenu le plus grand crédit, qui ont porté au plus haut point leurs prétentions à la précision et à la profondeur du raisonnement, reposent sur des fondements insuffisants. Et ce, y compris dans les systèmes de philosophes les plus éminents. Au final, une telle situation semble avoir jeté le discrédit sur la philosophie elle-même 1.

Le symptôme le plus évident de cette crise, de cet échec, c’est l’absence de tout consensus. On ne s’accorde sur rien : Il n’est rien qui ne soit un sujet de débat et à propos de quoi les savants ne soient pas d’opinions contraires. La question la plus insignifiante n’échappe pas à nos controverses, et nous sommes incapables de décider avec certitude des questions les plus importantes 2.


C’est la métaphysique qui est concernée par ces débats sans fin :

C'est de là que provient ce préjugé courant contre les raisonnements métaphysiques de toutes sortes […] nous avons si souvent perdu notre peine en de telles recherches que nous les rejetons d’ordinaire sans hésiter 3.

Et nous voilà au final mené à un scepticisme généralisé, concernant toutes ces questions sans fin : En vérité, seul le scepticisme le plus déterminé, allié à la plus grande indolence, peut justifier cette aversion de la métaphysique 4.

Cette image de la métaphysique comme d’un champ de bataille sans fin inspirera Kant. On la retrouve dans la Critique de la raison pure, dès la première page de la préface à la 1ère édition : Le champ de bataille où se développent ces conflits sans fin s’appelle alors Métaphysique 5.


Loin de se complaire dans cet aveu d’impuissance, Hume cherche un moyen de résoudre ces problèmes, de mettre fin à ces désaccords. Pour cela, il convient de recentrer le regard sur la nature humaine : cela doit être le point de départ de toutes nos investigations.

En effet, il est évident que toutes les sciences sont plus ou moins reliées à la nature humaine et [qu’elles] y reviennent toujours par une voie ou une autre. Même les mathématiques, la philosophie naturelle et la religion naturelle dépendent dans une certaine mesure, de la science de l’HOMME, puisqu’elles relèvent de la compétence des hommes et que ce sont leurs forces et leurs facultés qui en jugent 6.

Le terme de philosophie naturelle désigne à cette époque les sciences de la nature.


De l’homme, nous voici orienté, plus précisément, vers la faculté qui juge : l’entendement.

Hume emprunte à son tour une voie tracée une génération auparavant par Locke, dans l’Essai sur l’entendement humain. Voici comment il légitime cette décision :

Il est impossible de dire quels changements et quelles améliorations nous pourrions apporter dans ces sciences si nous avions une connaissance complète de l’étendue et de la force de l’entendement humain, et si nous pouvions expliquer la nature des idées que nous employons et celle des opérations que nous accomplissons dans nos raisonnements 7.

Si profitable que soit cette investigation pour les sciences des objets qui n’ont finalement qu’un rapport lointain à l’homme, telles que les mathématiques, la philosophie naturelle ou la religion naturelle, elle sera plus utile encore à des sciences qui ont pour objet l’homme lui-même, comme la logique, la morale, la critique (ou esthétique) et la politique. Quatre sciences qui contiennent presque tout ce qu’il peut […] nous importer de connaître 8.

Puisqu’ il n’y a aucune question d’importance dont la décision n’appartienne à la science de l’homme, et il n’en est aucune qui puisse être résolue avec quelque certitude, tant que nous ne savons rien de cette science, alors la nature humaine est donc seul et vrai fondement solide de notre connaissance : En prétendant expliquer les principes de la nature humaine, nous proposons en fait un système complet des sciences, bâti sur un fondement presque entièrement nouveau, le seul sur lequel elles puissent s’établir avec quelque sécurité 9.


La méthode pour une telle science-reine : l’expérience et l’observation. Hume affiche ici son empirisme, qui fera de lui aux yeux de la postérité l’un des chefs de file de cette école philosophique : De même que la science de l’homme est le seul fondement solide des autres sciences, le seul fondement solide que nous puissions donner à cette science-là doit reposer sur l’expérience et sur l’observation 10.

Hume rend hommage à ses précurseurs, ceux qui avant lui ont commencé à établir la science de l'homme sur une nouvelle base 11. Pour autant, il ne mentionne explicitement que Bacon, n'évoquant Locke que dans une formule allusive : ces autres philosophes anglais récents, un objet de fierté qui honore notre pays natal 12.

Naturellement, il ne se contente pas de s’appuyer sur l’argument d’autorité en invoquant ces grands esprits, mais légitime le choix de la méthode expérimentale ainsi :

Il me semble évident que l’essence de l’esprit nous étant tout aussi inconnue que celle des corps extérieurs, il doit être tout aussi impossible de constituer une notion quelconque de ses pouvoirs et de ses qualités autrement que par des expériences soigneuses et exactes et par l’observation des effets particuliers qui résultent des différentes circonstances et situations où il est placé.

Et bien que nous devions nous efforcer de rendre tous nos principes aussi universels que possible, en poursuivant nos expériences jusqu’au bout et en expliquant tous les effets par les causes les plus simples et les moins nombreuses, il n’est pas moins certain que nous ne pouvons aller au-delà de l’expérience : toute hypothèse qui prétend découvrir les qualités originelles et ultimes de la nature humaine doit être d’emblée rejetée comme présomptueuse et chimérique 12.


« Nous ne pouvons aller au-delà de l'expérience » : voici donc ici énoncé dans toute sa clarté ce principe fondateur de l'empirisme, qui suscitera de nombreuses réactions en particulier celle de Kant, puisque celui-ci le reprend à son compte tout en prétendant le dépasser dans la Critique de la raison pure.


Hume conclut l'introduction en évoquant une difficulté : dans le domaine de la morale, il n’est pas possible de recourir à la méthode expérimentale. On ne va pas tuer quelqu’un pour prouver le caractère immoral du meurtre ! Hume préconise même dans ce cas le recours à l’expérience indirecte, sous la forme d’une observation prudente de la vie humaine […] telle que la conduite des hommes en société […] dans le cours ordinaire du monde 13.. En recueillant ainsi ces observations et en les comparant, nous pouvons espérer assister à l’émergence d’une science morale, plus utile que toute autre discipline.


Auteur de l'article :

Cyril Arnaud, fondateur du site Les Philosophes
Auteur des Fragments pirates, philosophie poétique, et Axiologie 4.0, philosophie des valeurs.

1 Traité de la nature humaine, GF-Flammarion, Paris, 1995, trad. P. Baranger & P. Saltel, Livre 1 : L'Entendement, Introduction, p.31
2 Ibid, p.32
3 Ibid.
4 Ibid.
5 Critique de la Raison pure, GF-Flammarion, Paris, 2006, trad. Alain Renault, Préface 1ère édition, p.63
6 Introduction, p.33
7 Ibid.
8 p.34
9 Ibid.
10 Ibid.
11 P.35
11 Ibid.
12 Ibid.
13 p.37