Résumé de : Traité de la nature humaine
David HumeA 23 ans, Hume, alors en France, commence à rédiger le Traité de la nature humaine. Il est publié en 1739-1740 : Hume a alors 28 ans.
Le livre ne rencontre pas le succès escompté, ce qui amène son auteur à rédiger des ouvrages plus faciles d'accès, tels que l'Enquête sur l'entendement humain.
Aujourd'hui, il est considéré comme un chef-d'œuvre emblématique de l'empirisme anglais.
Il se compose de trois volumes, consacrés respectivement à l'entendement, les passions et la morale.
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Dans la section suivante, Hume apporte certaines précisions mineures sur les principes qui viennent d’être établis. Ainsi par exemple il note que la contiguïté et la ressemblance ont un effet bien inférieur à celui de la causalité
1 sur la croyance en une idée.
Il note que le temps renforce la coutume, et de ce fait, nos idées les plus anciennes, celles qui nous ont été inculquées lors de notre enfance, sont celles auxquelles nous adhérons le plus fortement.
Toutes les opinions et toutes les notions des choses auxquelles nous avons été accoutumés dès notre enfance prennent si profondément racine qu’il nous est impossible de les éradiquer par tous les pouvoirs de la raison et de l’expérience 2.
D’où l’importance de l’éducation : Je suis persuadé qu’à l’examen, nous constaterons que plus de la moitié des opinions qui prévalent parmi les hommes sont dues à l’éducation, et que les principes qui sont ainsi implicitement embrassés l’emportent sur ceux qui sont dus au raisonnement abstrait ou l’expérience
3.
C’est surprenant, mais il faut admettre que la plus grande part de nos raisonnement ainsi que toutes nos actions et passions
ne dérivent de rien d’autre que de la coutume et de l’habitude
4.
Hume s’intéresse ensuite à la notion de hasard, en examinant la connaissance simplement probable, celle dans laquelle l’évidence reste accompagnée par l’incertitude
5.
Comment croit-on en une idée qui n’est que probable ? La question est de savoir par quels moyens un nombre supérieur de chances égales agit sur l’esprit et produit la croyance ou l’assentiment
6 .
Pour éclairer ce point, Hume décrit précisément ce qui se passe dans l’esprit lorsque nous jetons un dé. Si quatre faces portent le même chiffre, et deux un autre, les impulsions des premières sont donc supérieures à celles des secondes. Mais comme il s’agit d’événements contraires entre eux et qu’il est impossible que ces chiffres se présentent ensemble, les impulsions deviennent elles aussi contraires et l’impulsion moindre détruit celle qui lui est supérieure, dans la mesure de sa propre force
7.
Voilà pourquoi nous ne donnons pas pleinement notre assentiment à l’idée que nous allons obtenir tel ou tel chiffre lorsque nous jouons aux dés.
A l’issue de ces considérations sur les probabilités, voici les deux principes qu’il faut retenir :
Il n’y a rien, en aucun objet considéré en lui-même, qui puisse nous donner une raison de tirer une conclusion qui le dépasse.
Même après l’observation de la conjonction fréquente ou constante des objets, nous n’avons aucune raison de tirer une inférence quelconque à propos d’un objet autre que ceux dont nous avons eu l’expérience 8.
A la lumière de cet éclairage psychologique inédit, la raison perd son statut premier et normatif : D’après mon système, tous les raisonnements ne sont rien que des effets de la coutume
9.
C’est dans la section XIV que Hume s’attaque frontalement à l’idée de connexion nécessaire, sur laquelle repose ultimement celle de causalité (dire qu’il y a un rapport de causalité entre A et B, c’est en effet supposer que A et B sont nécessairement liés).
En fait, nous n’allons pas vraiment découvrir d’éléments nouveaux. Toutes les pièces du puzzle sont déjà dans ce qui précède, et Hume va les rassembler dans cette section, en se concentrant uniquement sur la causalité.
Hume récapitule le mécanisme : je vois que A est suivi de B, et après une répétition fréquente, je constate qu’à l’apparition de l’un des objets, l’esprit est déterminé par la coutume à considérer son concomitant habituel […]. C’est donc cette impression […] qui me donne l’idée de nécessité
10.
Les philosophes ont cherché à déterminer ce qui définit une cause en tant que telle, avec les notions d’efficacité, de principe actif, de pouvoir, de force, d’énergie, de nécessité, de connexion et de qualité productive
11.
Mais il faut rejeter leurs définitions triviales, ou mieux, au lieu de rechercher l’idée dans les définitions, il nous faut la chercher dans les impressions d’où elle provient originellement
12.
Comme on l’a vu, la raison ne peut fonder le principe de causalité, c’est-à-dire l’idée qu’une cause est requise pour tout commencement d’existence.
De même ce n’est pas une idée innée, notion elle aussi déjà réfutée, et presque universellement rejetée par le monde savant
13.
Les philosophes divergent sur l’explication de ce qui fait l’efficacité d’une cause, ce qui fait qu’elle peut agir en tant que telle et produire un effet. Ils ont forgé les notions de forme substantielle, d’accidents et de qualités, de matière et de forme, de vertu, etc.
Autant de notions obscures, absolument inintelligibles et inexplicables
14.
Ainsi nous pouvons conclure qu’il est impossible de montrer où résident la force et le principe actif d’une cause
15.
Si l’on soutient, comme les cartésiens, que la cause du mouvement ne réside pas dans la matière mais dans Dieu, on se heurte à la même difficulté : aucune impression ne nous est fournie de la manière dont Dieu communique le mouvement à l’étendue.
Toutes les idées dérivent des impressions et les représentent. Nous n’avons jamais d’impression qui contienne un pouvoir ou une efficacité. Nous n’avons donc jamais d’idée de pouvoir 16.
Pour Hume, c’est la répétition de cas semblables qui nous fait supposer un lien de causalité, mais une telle répétition ne peut, à elle seule, faire naître une idée originale
17, comme celle de pouvoir ou de force qui définit une cause en tant que telle.
Résumons : Des cas semblables restent la source première de notre idée de pouvoir ou de nécessité, alors qu’ils n’ont […] aucune influence ni les uns sur les autres, ni sur aucun objet extérieur
18.
Au final, c’est un processus dans l’esprit, de l’esprit, qui nous pousse à forger l’idée d’une connexion nécessaire : Ces cas sont, en eux-mêmes totalement distincts les uns des autres, et n’ont d’union que dans l’esprit qui les observe et rassemble leurs idées. La nécessité est donc l’effet de cette observation et n’est qu’une impression interne de l’esprit, ou une détermination à porter nos pensées d’un objet à l’autre
19.
De là cette conclusion inouïe, révolutionnaire : l’idée de connexion nécessaire - et donc de causalité - est une notion purement subjective :
Il n’y a pas d’impression interne qui soit en relation avec [la nécessité], hormis la tendance, que produit la coutume, à passer d’un objet à l’idée de son concomitant habituel. Telle est donc l’essence de la nécessité. Somme toute la nécessité est quelque chose qui existe dans l’esprit, non pas dans les objets, et il nous est à jamais impossible d’en former une idée, même la plus lointaine, si nous la considérons comme une qualité appartenant aux corps 20.
Hume est bien conscient que ce paradoxe est le plus violent
21 de tous ceux qu’il présente dans ce traité.
Malicieusement, il prête même voix aux réactions effarées qu’il ne manquera pas de susciter :
Quoi ! L’efficacité des causes, résider dans la détermination de l’esprit ! Comme si les causes n’opéraient tout à fait indépendamment de l’esprit et ne continueraient pas d’opérer même si aucun esprit n’existait pour les contempler ou pour raisonner à leur sujet. La pensée peut bien dépendre de causes pour opérer mais non les causes dépendre de la pensée. C’est renverser l’ordre de la nature et rendre secondaire ce qui est, en réalité, premier 22.
Telle est pourtant la conclusion déroutante à laquelle parvient Hume.
1 P.177
2 P.183
3 P.184
4 P.188
5 P.194
6 P.197
7 P.200
8 P.210
9 P.223
10 P.231
11 P.232
12 Ibid.
13 P.233
14 P.234
15 Ibid.
16 P.237
17 P.239
18 P.241
19 Ibid.
20 P.242
21 Ibid.
22 P.244