couverture du livre

Résumé de : Traité de la nature humaine

A 23 ans, Hume, alors en France, commence à rédiger le Traité de la nature humaine. Il est publié en 1739-1740 : Hume a alors 28 ans.

Le livre ne rencontre pas le succès escompté, ce qui amène son auteur à rédiger des ouvrages plus faciles d'accès, tels que l'Enquête sur l'entendement humain.

Aujourd'hui, il est considéré comme un chef-d'œuvre emblématique de l'empirisme anglais.

Il se compose de trois volumes, consacrés respectivement à l'entendement, les passions et la morale.



Première partie : Des idées, de leur origine, composition, connexion, abstraction, etc.

La première partie du Livre I est consacrée aux idées : qu’est-ce qu’une idée dans notre esprit ? Quelle est leur origine ? Comment se forment-elles ?

Pour répondre à cela, il commence par différencier l’idée de l’impression.

Une distinction essentielle établie dès la première ligne du chapitre :

Toutes les perceptions de l’esprit humain se ramènent à deux espèces distinctes que j’appellerai impressions et idées 1.

Impressions et idées se distinguent par leur degré de force et de vivacité avec lequel elles frappent l’esprit 2.

De là cette définition :

Les perceptions qui entrent avec le plus de force et de violence, nous pouvons les appeler impressions ; et sous ce nom, je réunis toutes nos sensations, passions et émotions telles qu’elles se présentent d’abord à l’âme.
Par idées, j’entends leurs images affaiblies dans la pensée et le raisonnement, [comme par exemple] les perceptions suscitées par le présent discours. 3


Pour Hume, cette distinction, ainsi que ces définitions, ne soulèvent aucune difficulté : cela recouvre la différence fondamentale, évidente, entre deux facultés de l’esprit : sentir et penser.

J’ai chaud : cette perception est une impression, qui s’impose de toute sa force à mon esprit.

J’imagine que j’ai chaud : cette perception est une idée, image affaiblie de la sensation d’origine, ce qui fait que je ne souffre en aucun cas de la chaleur.


Hume propose une seconde opposition majeure, qui concerne cette fois les notions de simplicité et de complexité. Certaines impressions sont simples parce qu’on ne peut y faire ni distinction ni partage 4, d’autres complexes parce que l’on peut y distinguer des parties 5. Idem pour les idées.

Ainsi l’impression (ou l’idée) d’une pomme est-elle complexe : sa saveur est autre chose que sa couleur, sa texture, etc.


Ces deux couples conceptuels impression / idée et simple / complexe vont suffire à Hume pour édifier une théorie de la connaissance novatrice.


Il semble que l’esprit soit en quelque sorte frappé de redondance : Toutes les perceptions de l’esprit sont doubles et apparaissent également comme impressions et comme idées 6.

Mais un examen plus attentif montre que certaines idées complexes ne correspondent à aucune impression : c’est le cas par exemple d’une ville imaginaire.

A l’inverse, certaines impressions complexes en mon esprit ne correspondent à aucune idée. Ainsi la ville de Paris : J’ai vu Paris : mais puis-je affirmer que je peux constituer une idée de cette ville, susceptible d’en représenter parfaitement toutes les rues et toutes les maisons, jusque dans leurs proportions réelles et exactes ? 7.

Impressions et idées complexes se ressemblent, mais ne sont pas des copies conformes. En revanche, toute idée simple n’est que la copie d’une impression simple (par exemple : la couleur rouge).


Venons-en à présent à une explication génétique : comment se forment nos idées ?

Puisque l’on constate que toute impression simple est accompagnée d’une idée correspondante 8, et vice-versa, voici l’alternative : Les impressions dépendent des idées, ou les idées des impressions 9.

Faut-il croire que l’idée précède l’impression correspondante, ou est-ce le contraire ?

Pour répondre à cette question, il suffit simplement de s’appuyer sur l’expérience. Que nous révèle-t-elle ?

L’expérience me montre que les impressions simples précèdent toujours les idées correspondantes mais n’apparaissent jamais dans l’ordre inverse. Pour donner à un enfant une idée de l’écarlate ou de l’orange, du sucré ou de l’amer, je lui présente les objets ou en d’autres termes, je lui procure ces impressions ; mais je ne m’y prends pas assez absurdement pour tenter de produire les impressions en suscitant les idées.10

De même si l’impression n’existe pas, l’idée n’apparaît pas : ainsi l’aveugle n’a pas l’idée de la lumière.

Voici donc fondée la vérité de cette proposition générale : Toutes nos idées simples dérivent d’impressions simples qui leur correspondent et qu’elles représentent exactement 11.

Ce principe de la priorité des impressions sur les idées 12 va dans le sens de l’empirisme : elle rabat les prétentions de la raison, qui n’apparaît que comme dérivée et dépendante, là où elle triomphait dans le rationalisme d’un Leibniz.


La section II propose une nouvelle distinction, entre les impressions de sensation et les impressions de réflexion.

Les premières correspondent aux sensations, les secondes aux passions, désirs et émotions.

Voici le mécanisme général de la formation des impressions de réflexion :

Une impression frappe tout d’abord les sens : chaleur, faim…

De cette impression, l’esprit fait une copie qui subsiste après que l’impression a cessé, et c’est cela que nous appelons une idée. Par exemple l'idée : j'ai faim.

(Celle-ci) produit des impressions nouvelles de désir et d’aversion, d’espoir et de crainte : c’est précisément cela les impressions de réflexion.

A nouveau copiées par la mémoire et l’imagination, (elles) deviennent des idées, lesquelles peut-être donneront naissance, à leur tour, à d’autres impressions et à d’autres idées 13. Par exemple : je crains d'avoir bientôt faim.


Hume écarte l’étude des sensations, qui relèvent d’autres sciences : l’anatomie et la philosophie naturelle. Lui privilégie, rappelons-le, la philosophie morale.

Il faut donc se concentrer sur les impressions de réflexion. Mais comme celles-ci proviennent le plus souvent des idées 14, il faut commencer par les idées.


Comment une impression devient-elle une idée ? Grâce à la mémoire et à l’imagination.

La mémoire lorsque l’impression conserve une part de sa vivacité initiale, et l’imagination lorsque l’impression perd intégralement cette vivacité 15.

Si la mémoire possède un avantage de ce point de vue, l’imagination n’est pas tenue de respecter identiquement l’ordre et la forme des impressions originelles, et donc est libre de transposer et changer ses idées 16.

1 P.41
2 Ibid.
3 Ibid.
4 P.42
5 Ibid.
6 Ibid.
7 P.43
8 P.44
9 P.45
10 Ibid.
11 P.44
12 P.47
13 P.48
14 P.49
15 P.50
16 P.51