Résumé de : Traité de la nature humaine
David HumeA 23 ans, Hume, alors en France, commence à rédiger le Traité de la nature humaine. Il est publié en 1739-1740 : Hume a alors 28 ans.
Le livre ne rencontre pas le succès escompté, ce qui amène son auteur à rédiger des ouvrages plus faciles d'accès, tels que l'Enquête sur l'entendement humain.
Aujourd'hui, il est considéré comme un chef-d'œuvre emblématique de l'empirisme anglais.
Il se compose de trois volumes, consacrés respectivement à l'entendement, les passions et la morale.
Page 2
Page 3
Page 4
Page 5
Page 6
Page 7
Page 8
Page 9
Page 10
Page 11
Page 12
Nous en arrivons à un chapitre fondamental, consacré à l’étude de la connexion ou association des idées. Comme on le verra, Hume en tirera des conséquences vertigineuses.
De fait, les idées ne restent pas entièrement détachées les unes des autres et sans connexion entre elles
1 puisque certaines de nos idées sont complexes.
Elles ne s’associent pas non plus au hasard, sinon nous n’aurions jamais les mêmes idées complexes. Il faut bien en conséquence que leur connexion se fasse selon des principes universels qui les rendent, dans une certaine mesure, cohérentes avec elles-mêmes en tout temps et en tous lieux
2.
Rappelons que l’imagination peut associer deux idées qui ne le sont pas naturellement, ce qui relativise l’importance de ces principes universels :
L’esprit peut joindre deux idées sans ce principe […] il nous faut seulement le regarder comme une force douce, qui d’ordinaire l’emporte […] la nature indiquant d’une certaine manière, à chacune quelles idées simples il convient le mieux d’unir en une idée complexe 3.
Or voici les trois principes universels qui guident nos associations d’idées :
- La ressemblance : Notre imagination se porte aisément d’une idée à une autre qui lui ressemble
4
- La contiguïté dans le temps ou dans l’espace
- Et la relation de cause à effet.
Et en voici le mécanisme général : A l’apparition d’une idée, elles en introduisent naturellement une autre
5.
Ainsi la ressemblance : l’idée de ce stylo fait naître en moi l’idée d’un autre stylo.
La contiguïté : si j’ai l’habitude de voir ce stylo à côté d’une feuille de papier, lorsque je penserai au stylo, je penserai à la feuille de papier.
La relation de cause à effet : le feu est cause de la fumée, si je pense au feu, l’idée de fumée naîtra également en mon esprit par association d’idées.
C’est la connexion la plus puissante
, au sens où c’est celle qui fait le plus aisément appeler une idée par une autre
6. Hume remet son examen détaillé à plus tard.
Résumons : Deux objets sont liés l’un à l’autre dans l’imagination, non seulement quand l’un d’eux, d’une manière immédiate, ressemble à l’autre, lui est contigu ou en est la cause
7.
Si Newton a, un demi-siècle auparavant, découvert la loi de l’attraction universelle, Hume le premier met au centre du fonctionnement général de l’esprit le principe de l’association des idées. Or il s’agit ici aussi d’une sorte d’attraction, et le voici qui s’inscrit, non sans orgueil, dans son sillage :
Il y a là une sorte d’ATTRACTION qui nous le constaterons, possède des effets aussi extraordinaires dans le monde de l’esprit que dans le monde naturel, et s’y manifeste sous des formes aussi nombreuses et aussi variées 8.
Sans ce processus de connexion en notre esprit, nous n’aurions pas d’idées complexes. C’est le plus « remarquable » effet de l’association des idées.
On en distingue trois types : les relations, les modes et les substances.
Les relations : Nous en acquérons l’idée par la comparaison des objets
9.
Sept types de relations peuvent être identifiées : ressemblance, identité, espace et temps, quantité, degré, contrariété, causalité
Autrement dit : A ressemble à B, A est B, A est au-dessus de B, etc.
Sans la ressemblance, aucune autre relation entre deux choses ne peut être établie, car on ne compare deux choses que si elles ont quelque degré de ressemblance.
La différence est la négation d’une relation.
Les modes et les substances :
A la suite de Berkeley, Hume critique la notion de substance. Quarante ans après son illustre prédécesseur, Hume pose la question : a-t-on une idée claire de ce qu’est une substance ?
Sa critique s’appuie sur le schéma épistémologique global qu’il vient de proposer.
La notion de substance ne provient ni d’une impression de sensation, ni d’une impression de réflexion, puisque ce n’est ni une émotion, ni une passion.
En fait, une substance n’est autre chose qu’une collection d’idées particulières
10. De ce fait, l’idée d’une substance n’est rien d’autre qu’une collection d’idées simples qui sont réunies par l’imagination et se voient attribuer un nom particulier, qui nous permet de [nous en] rappeler
11.
Or voici le point essentiel : Les qualités particulières qui forment une substance sont communément rapportées à un quelque chose inconnu, auquel elles sont censées être inhérentes
12. Ainsi, cette couleur, ce degré de fusion, cette solidité, sont considérées comme qualités d’une substance : l’or.
Tandis que dans le cas des modes, on ne considère pas les qualités comme unies en un seul objet, mais au contraire dispersées en différents sujets
13. Par exemple l’idée de la danse.
Hume prend position dans le débat entourant le statut des idées abstraites ou générales. Un débat qui a fait les belles heures de la scolastique, opposant nominalistes et réalistes.
Il rend à cette occasion hommage, cette fois-ci explicitement, à Berkeley, et reprend à son compte sa célèbre théorie selon lesquelles les idées générales ne sont rien d’autre que des idées [individuelles] qui évoquent, à l’occasion, d’autres idées individuelles qui leur sont semblables
14.
Pour lui, cette découverte est l’une des plus grandes, en importance et en valeur, qui aient été faites ces dernières années dans la république des lettres
15.
Il s’agit d’échapper à un faux dilemme, ainsi résumé : soit l’idée d’Homme représente tous les hommes de toutes les tailles et de toutes les qualités, soit elle représente un homme sans taille et sans qualité.
La première proposition est absurde, car il faudrait un entendement infini pour imaginer toutes les tailles et les qualités possibles.
La seconde l’est tout autant, car il est impossible d’imaginer une quantité ou une qualité sans son degré : impossible d’imaginer une ligne sans une longueur. De plus, l’idée vient d’une impression. Comme toutes les impressions sont déterminées en qualité et en quantité, les idées doivent l’être également.
Hume conclut donc : Les idées abstraites sont donc, en elles-mêmes individuelles, même si elles peuvent devenir générales quant à leur représentation. L’image présente dans notre esprit n’est que celle d’un objet particulier, bien que notre raisonnement l’utilise comme si elle était universelle
16.
Ici encore, c’est le mécanisme de l’association d’idées qui est sollicité : certaines idées particulières sont habituellement associées à d’autres idées particulières, et lorsque nous évoquons l’une, les autres nous apparaissent par association d’idées, fondées sur l’habitude. C’est en cela qu’une seule idée en représente d’autres.
Ce que Hume résume ainsi :
Certaines idées sont particulières quant à leur nature, mais générales quant à leur représentation. Une idée particulière devient générale en étant associée à un terme général, c’est-à-dire à un terme qui par suite d’une conjonction coutumière, est en relation avec beaucoup d’idées particulières et les rappelle facilement à l’imagination 17.
La théorie de la connaissance de Hume lui permet donc, au moins à ses propres yeux, de dénouer un débat scolastique vieux de plusieurs siècles. Il suffit de chercher ce qui précisément se passe en notre esprit lorsque l’on utilise une idée générale, pour déterminer ce dont il s’agit.
1 P.53
2 Ibid.
3 Ibid.
4 P.54
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 P.56
9 P.57
10 P.60
11 P.60-61
12 P.61
13 Ibid.
14 P.62
15 Ibid.
16 Ibid.
17 P.67-68