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drapeau anglais couverture du livre le Traité de la nature humaine

Résumé du Traité de la nature humaine (page 8)


Il ne s’agit pas pour Hume de cesser d’utiliser la notion de cause. Il s’agit d’en proposer une redéfinition, minimale et psychologisante :

Nous définissons une cause comme un objet antérieur et contigu à un autre, et uni à lui dans l’imagination de telle sorte que l’idée de l’un détermine l’esprit à former l’idée de l’autre, et l’impression de l’un à former une idée plus vive de l’autre 1.

C’est tout ce que nous entendrons – et entendons déjà en réalité- lorsque nous utiliserons le terme de cause.


Tout comme les hommes, les bêtes ne perçoivent certainement jamais la moindre connexion réelle entre les objets. C’est donc par expérience qu’elles infèrent un objet d’un autre 2.

Par exemple, du ton de la voix, le chien infère la colère de son maître et prévoit qu’il sera puni. D’après une certaine sensation qui affecte son odorat, il juge que le gibier n’est pas loin de lui 3.

En réalité, l’homme n’agit pas autrement. Ce sont les mêmes procédés qui le guident dans ses inférences. La distinction traditionnelle entre raison humaine et instinct animal disparaît donc :

La raison n’est qu’un instinct merveilleux et inintelligible présent dans notre âme, qui nous conduit à travers un certain enchaînement d’idées qu’il dote de qualités particulières 4.

Hume critique donc la dignité ontologique traditionnellement accordée à la raison. L’homme n’est pas extérieur et supérieur à la nature. Il fait partie intégrante de la nature, car son esprit est guidé par ce processus naturel qu’est l’habitude :

La nature peut certainement produire tout ce qui peut naître de l’habitude ; mieux l’habitude n’est que l’un des principes de la nature et elle tire toute sa force de cette origine 5.

Quatrième Partie : Du système sceptique et autres systèmes philosophiques

Dans cette dernière partie du livre I, Hume s’attaque à certaines doctrines philosophiques, en vigueur à son époque. Il s’agit pour lui, par la même occasion, de présenter sa doctrine propre dans sa singularité : un scepticisme original, moderne, bien différent du scepticisme ancien que l’on peut trouver chez les Grecs.


Ainsi, dès les premières lignes, nous rencontrons le cœur de cette critique sceptique : toute connaissance dégénère en probabilité 6.

Il s’appuie, tout simplement en un premier temps, sur l’inconstance des pouvoirs de notre esprit 7.

Ainsi, si dans les sciences démonstratives les règles sont certaines et infaillibles, […] lorsque nous les appliquons, nos facultés incertaines et faillibles sont fortement sujettes à s’en écarter et à tomber dans l’erreur 8.


Mais dans un même souffle, il s’en prend aux sciences démonstratives elles-mêmes, celles qui semblent atteindre une vérité certaine, nécessaire et universelle : les mathématiques.

Il n’est pas d’algébriste ou de mathématicien, suffisamment expert dans sa science, pour placer immédiatement toute sa confiance dans une vérité qu’il vient de découvrir, et la considérer comme autre chose qu’une simple probabilité 9.

On retrouve alors le même schéma que dans sa critique de la causalité : l’habitude de l’observation répétée va faire glisser insensiblement du probable à la certitude. Un processus psychologique nous mène vers une croyance erronée, celle d’avoir atteint une règle universelle :

Sa confiance augmente à chaque fois qu’il parcourt les preuves, mais elle augmente plus encore quand ses amis l’approuvent, et elle atteint le sommet de sa perfection avec l’assentiment et les applaudissements du monde savant. Or il est évident que cette augmentation progressive de l’assurance n’est rien d’autre que l’addition de probabilités nouvelles et provient de l’union constante de causes et d’effets, comme l’indiquent l’expérience et l’observation passées 10.

Le mouvement nous mène vers une idée de plus en plus probable, mais de là à la connaissance, il y a un saut que rien ne peut permettre d’effectuer : La connaissance et la probabilité sont de nature tellement opposées et incompatibles qu’elles ne peuvent guère se fondre insensiblement l’une dans l’autre, dans la mesure où elles ne peuvent se diviser mais doivent être ou entièrement présentes ou entièrement absentes 11.


Pourtant, Hume se défend d’être l’un de ces sceptiques qui soutiennent que tout est incertain et que notre jugement ne possède pour rien aucun critère de vérité et d’erreur 12.

Ce qui le distingue d’eux, c’est qu’il refuse la suspension de jugement prônée par le scepticisme ancien.

En effet, il considère pour sa part que le jugement est pour l’homme une faculté naturelle, et de ce fait il est aussi illusoire de lui demander de suspendre cette faculté que de cesser de respirer : La nature, par une nécessité absolue et incontrôlable, nous a déterminés à juger, comme à respirer et à sentir 13.

Résumons : le scepticisme « total » , sorte de « secte fantastique » 14 nous oriente vers la suspension de jugement.

Hume emprunte la direction contraire : il montre comment la vivacité d’une idée se renforce, par suite de la répétition des impressions, et qu’ainsi nous lui donnons notre assentiment, de sorte qu’une croyance se fortifie dans l’esprit.


Le sceptique doit admettre l’existence des corps, c’est-dire d’un monde extérieur, même s’il ne parvient pas à le prouver rationnellement. Cette idée est trop vivace en nous pour pouvoir être niée. C’est ainsi, selon la même méthode, que Hume s’oppose au sceptique, et l’on notera l’originalité de cette démarche. Selon Hume, le sceptique total, ancien, ne parvient pas à nier ce qu’il prétend nier. Il n’y a aucun moyen pour lui de réaliser le programme du scepticisme.

Ce que l’on peut se demander tout de même, c’est qu’est-ce qui a rendu cette idée si vivace, c’est-à-dire quelles causes nous font croire à l’existence des corps 15.


Car en réalité, après ces précautions oratoires en apparence hostiles au scepticisme, Hume va lui concéder l’essentiel, à savoir que rien ne nous autorise à croire qu’il existe un monde extérieur, indépendant de nos perceptions.

Ce pourquoi l’on peut ranger Hume dans les sceptiques, et même le voir comme l’un des premiers sceptiques modernes, malgré ses dénégations.

1 I, III, XIV, p.249
2 I, III, XVI, p.257
3 P.256
4 P.257
5 Ibid.
6 I, IV, I, p.261
7 Ibid.
8 Ibid.
9 P.261-262
10 P.262
11 P.262
12 P.264
13 Ibid.
14 P.265
15 I, IV, II, p.270