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couverture du livre la Critique de la Raison pure de Kant

Résumé de la Critique de la Raison pure (page 8)


Nous avons déjà vu la différence entre jugement a priori et jugement a posteriori. Kant propose à présent une nouvelle distinction, entre jugement analytique et jugement synthétique.


Un jugement est composé d’un sujet et d’un prédicat.

Par exemple : ce cheval est noir. « Cheval » est le sujet, « noir » est le prédicat.



Le prédicat peut se rapporter au sujet de deux manières. Soit il est contenu dans le concept du sujet, soit ce n’est pas le cas.

Prenons un exemple : le jugement : « ce nain est petit ». Le concept « petit » est contenu dans le concept même de « nain ». On ne peut être nain sans être petit. Il y a un rapport d’identité entre ces deux concepts.

C’est un jugement analytique.

Prenons un second exemple : « ce nain est riche ». Le concept « riche » n’est pas contenu dans le concept même de « nain ». Certains nains ne sont pas riches.

C’est un jugement synthétique.

Un jugement analytique n’étend pas nos connaissances : il ne fait qu’expliciter le contenu (implicite) d’un concept dont on a déjà connaissance. Il analyse clairement quelque chose de pensé confusément dans un concept.

Un jugement synthétique au contraire améliore notre connaissance. Lorsqu’on dit « ce nain est riche », j’apprends à quelqu’un quelque chose qu’il ne savait pas et qu’il ne pouvait pas savoir par simple analyse du concept de « nain ».


Les exemples que donne Kant de jugements analytiques ou synthétiques sont :

« tous les corps sont étendus » (jugement analytique)

« tous les corps sont pesants » (jugement synthétique)


Mais nous trouvons ces exemples moins parlants, parce qu’il est moins clair de voir pourquoi l’étendue appartiendrait nécessairement au concept de corps, et non celui de poids.


On comprend alors pourquoi Kant dit des jugements analytiques que par le prédicat ils n’ajoutent rien au concept du sujet, mais le décomposent seulement par analyse en ses concepts partiels qui étaient déjà pensés en lui (bien que confusément)1

…tandis que les jugements synthétiques ajoutent au concept du sujet un prédicat qui n’était nullement pensé en lui.


Comment s’articulent à présent les distinctions kantiennes : jugements a priori/ a posteriori d’une part, analytiques/synthétiques d’autre part ?


Les jugements analytiques sont toujours des jugements a priori. En effet, les jugements analytiques n’ont aucun besoin de se fonder sur l’expérience, ils ont juste pour vocation d’éclaircir ce qui est porté confusément dans un concept, en analysant celui-ci. Inutile de recourir à l’expérience pour savoir que ce nain est petit.

Passons maintenant aux jugements synthétiques.

Les jugements a posteriori sont tous synthétiques. En effet, l’expérience étend notre connaissance. J’ai besoin de recourir à l’expérience pour vérifier que ce nain est riche (par exemple en lui parlant, en examinant son compte en banque, etc.).

Pourtant, et de manière étonnante, il y a des jugements synthétiques a priori.

Cela est étonnant puisque Kant répète à plusieurs reprises qu’il n’y a de connaissance que dans les limites de l’expérience.

Or ici, il semble dire que certains jugements étendent notre connaissance (donc sont des jugements synthétiques), alors qu’ils sont a priori.


Kant donne des exemples de ces jugements a priori synthétiques : les jugements mathématiques.

Par exemple : « 7+5=12 » n’est pas un jugement analytique car le concept de « 12 » n’est inclus ni dans celui de « 5 » ni dans celui de « 7 ».

C’est donc un jugement synthétique, et qui est pourtant a priori, puisque ainsi qu’on l’a vu, les jugements mathématiques sont a priori, car s’ils étaient empiriques, ils ne pourraient constituer des lois universelles et nécessaires, ce qu’ils font pourtant.


Le génie d’un penseur consiste parfois non pas à apporter une réponse à un problème, mais à proposer un nouveau problème.

Ici le génie de Kant va consister à proposer à la réflexion philosophique le problème suivant :

Comment des jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ?

Convenablement développée, cette question revient à se demander : comment est-il possible que certains de nos jugements étendent nos connaissances sans pourtant se fonder sur l’expérience ?

Mais aussi : pourquoi les jugements synthétiques a priori sont valides en mathématique, ou dans d’autres disciplines, mais pas en métaphysique ?

Nous retombons ainsi sur le problème que nous avions momentanément mis de côté lors de notre lecture de la 2nde préface, quelques lignes plus haut. Nous avons eu raison, car nous avons pu ainsi l’approfondir, de manière à en proposer une meilleure formulation. Se demander pourquoi il y a une connaissance a priori valide en mathématique, revient à se demander « comment des jugements synthétiques a priori sont-ils possibles » ?


Ici encore, comprendre la signification de ce problème, puis comprendre la réponse que Kant va lui apporter, c’est saisir le sens global de la Critique de la Raison pure.


1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Kant : lecture suivie