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couverture du livre Introduction à la recherche phénoménologique de Heidegger

Résumé de l'Introduction à la recherche phénoménologique (page 10)


Un tel souci manifeste l’intention de fournir une norme générale et absolument objective pour le Dasein de l’humanité en son entier. La science normative se voit assigner la tâche de régler et d’affermir, par son assurance, le Dasein humain, c’est-à-dire la culture1.


Or voici précisément ce que le souci d’une connaissance connue omet : l’homme.

Jusqu’à présent, il n’a jamais été question de cela même qu’il s’agit de normer ; jamais l’étant qu’il s’agit de normer [l’homme] ne fait l’objet d’une recherche qui serait conduite dans une perspective tout aussi originaire. Il est même dit [par Husserl] que des phénomènes tels que le « Je concret » et l’ « âme » doivent être mis hors circuit.

On le voit : avec Husserl, l’exploration de la conscience progresse de bout en bout en détournant d’emblée le regard de cela même qu’il s’agit de normer. Il cherche ce qu’est la conscience, en faisant l’impasse sur cette question plus originaire : qu’est l’homme, auquel appartient cette conscience ? Mais, en faisant une telle impasse, est-il possible de résoudre la question même de la conscience ?


Cela apparaît également dans le second volet de la critique husserlienne du naturalisme, prenant pour objet cette fois la deuxième tendance qu’on peut identifier en ce dernier : l’historicisme. Cela joue le rôle pour Heidegger en quelque sorte d’une confirmation, d’une preuve supplémentaire.

L’historicisme est une doctrine qui relativise la vérité d’une théorie en la contextualisant : elle est émise dans une société donnée, à une époque donnée. Lorsqu’on change d’époque, on change de théorie. Il n’y a donc plus de vérité universelle, mais la vérité fluctue avec l’Histoire.

Cette doctrine ne peut être admise par Husserl, qui cherche, rappelons-le, des lois universelles de la conscience, valides de tout temps.


C’est Dilthey qui initie la critique de l’historicisme ; selon lui, « le développement de la conscience historique » entraîne progressivement […] la ruine de la croyance dans l’existence d’une philosophie absolue.

Husserl reprend cette idée : L’historicisme, pensé jusqu’au bout de manière conséquente, conduit à un relativisme et ce dernier à un scepticisme.

Mais ici encore, l’homme est absent. Lorsque Husserl critique l’historicisme, on pourrait s’attendre à rencontrer le Dasein humain concret, l’homme en tant qu’il apparaît dans l’Histoire. Ce n’est pas le cas.

D’où, à nouveau ce paradoxe : Ce qui est omis, c’est ce dont on se préoccupe à proprement parler : le Dasein humain.

L’Histoire n’apparaît d’ailleurs pas elle-même, mais est réduite à une simple discipline ; il s’agit simplement de penser son articulation avec d’autres disciplines.

Comment l’histoire est-elle envisagée avant tout ? L’histoire considérée comme champ thématique d’une tâche de connaissance bien déterminée. La possibilité même de voir le Dasein historique en tant que tel, d’instaurer un rapport originaire avec l’être historique, se trouve d’emblée exclue. La question de savoir ce qu’est un être historique comme tel ne peut pas du tout se faire jour dans le cadre de cette clarification des problèmes.

Dans la critique husserlienne, l’histoire est donc absente, on ne trouve que la science historique. Mais ce faisant, toute voie conduisant à l’historique comme tel [dont l’homme] est barrée.


On voit, une nouvelle fois, que le souci d’une connaissance connue a exclu le Dasein humain comme tel de toute possibilité d’encontre.


Récapitulons : ainsi que nous l’avons vu, l’idéal d’une philosophie comme science rigoureuse (correspondant au souci d’une connaissance elle-même connue) que partage Husserl avec d’autres (Kant, Hegel…) a été remis en cause par les deux tendances à l’œuvre dans la philosophie romantique du XIXème siècle : le naturalisme et l’historicisme. Husserl, s’est donc attaqué à ces deux tendances, mais ce faisant, dans les deux cas, a recouvert, dissimulé, omis, ce dont même il s’agissait : l’homme. Celui-ci disparaît, mis hors circuit, derrière la conscience ; et l’être historique qu’il est disparaît derrière la science historique.

Husserl s’appuie sur le risque du scepticisme pour discréditer l’historicisme. Il invoque donc la possibilité d’un Dasein inassuré, ce qui provoque l’angoisse. Cela clôt, selon Husserl, le débat, alors que cela pourrait au contraire l’ouvrir : peut-être que l’homme est sans certitude, que cette insécurité, cette angoisse, font partie de ce qu’il est. Peut-être a-t-on découvert là, presque par hasard, l’un des traits spécifiques, essentiels du Dasein. Pourtant Husserl n’explore pas cette possibilité.

En réalité, on le voit donc le souci d’une connaissance connue n’est rien d’autre que l’angoisse devant le Dasein. Ou encore il se préoccupe de ce qu’on ait les yeux rivés sur la validité et que l’on détourne le regard de la possible perspective d’un Dasein inassuré.


Nous allons à présent nous poser la question décisive : Comment le souci en vient à se préoccuper de ce dont il se préoccupe, à savoir la conscience ? Pourquoi la conscience en particulier, et non un autre champ thématique ?

C’est Descartes que nous allons interroger. En effet, la guise concrète de l’être du souci d’une connaissance connue, dans laquelle la conscience s’ouvre comme champ, nous est donnée au grand jour dans les recherches de Descartes.

Cet examen de la pensée cartésienne constitue la majeure partie de l’Introduction à la recherche phénoménologique. Nous en arrivons donc au cœur proprement dit de l’ouvrage, une relecture par Heidegger des Méditations métaphysiques, qui va nous donner une tout autre vision de cette œuvre fondamentale.

Sans plus tarder, découvrons ensemble cette rencontre décisive entre les pensées de Heidegger et Descartes…


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1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Heidegger : lecture suivie