1. Accueil
  2. Auteurs
  3. Heidegger
  4. Introduction à la recherche phénoménologique
  5. Page 7
couverture du livre Introduction à la recherche phénoménologique de Heidegger

Résumé de l'Introduction à la recherche phénoménologique (page 7)


Heidegger propose en effet cette idée surprenante : Pour déterminer les caractères d’être d’un étant, on peut interpréter le souci au sein duquel se rencontre cet étant déterminé en tant que cet être-ci1.


C’est la première fois que l’on rencontre sous la plume de Heidegger ce concept fondamental, le souci ; on le retrouvera dans Etre et Temps, où il continuera à jouer un rôle important. C’est une notion proprement heideggérienne : avant lui, aucun autre philosophe ne l’utilise, en lui donnant une telle place centrale.

Le souci renvoie à une manière d’être, celle dans laquelle on est préoccupé par quelque chose.

C’est une manière d’appréhender l’étant qui fait encontre, différente de celle par exemple qui caractérise la contemplation esthétique désintéressée. En elle, l’étant a un mode de présence bien spécifique :

L’être-préoccupé par quelque chose donne à voir ce quelque chose comme ce dont le souci se préoccupe spécifiquement. Ce quelque chose se manifeste dans la guise selon laquelle il est « là » dans le souci : c’est à partir de cette présence que devient visible l’être que peut avoir le quelque chose en tant qu’il fait encontre dans et pour le souci.

Ce n’est pas un mode d’appréhension de l’étant qui serait inférieur, par exemple, à la contemplation esthétique : Le souci n’est rien de subjectif et ne défigure pas l’objet dont il se préoccupe, mais le laisse bien plutôt accéder à son être véritable.


Ce qu’a de spécifique ce mode de saisie de l’étant, c’est qu’il ouvre en premier lieu ce dont il se préoccupe, garde et retient […] l’étant qu’il a ouvert en tant que tel afin de le faire ressortir explicitement, et surtout que ce qui a été configuré devient pour le souci, quelque chose à quoi il s’assujettit. […] Finalement, ce à quoi le souci s’assujettit devient quelque chose en quoi le souci se perd.

C’est là en quelque sorte la structure du souci, celle que l’on suit lorsqu’on est préoccupé par quelque chose. « Assujettissement », « perte » : voici ce qui définit le souci en propre. Que cela signifie-t-il ? Heidegger le précise un peu plus loin :

Un souci déterminé a pour spécificité […] de s’assujettir à ce qu’il a retenu, c’est-à-dire d’en tirer des principes déterminés à titre normatif pour ce dont se préoccupent d’autres soucis ; […] de se perdre, c’est-à-dire de poser ce qui se rencontre dans le souci de manière si inconditionnelle que chaque souci en reçoive sa motivation fondamentale.

Dans le souci, on s’assujettit à ce dont on se préoccupe parce que, travaillé par nos préoccupations, on est porté à en déduire des lois, auxquelles, en tant que telles, on va se sentir lié. Et on se perd parce qu’on donne un caractère inconditionnel et universel à ces lois, en les généralisant à tort à d’autres types de soucis.


Notons qu’il ne s’agit pas ici d’une analyse psychologique, mais de ce que Heidegger appellera dans Etre et temps une analyse existentiale, qui saisit un trait distinctif qui caractérise le Dasein, l’homme en tant qu’il est le « là » de l’être, en propre.


Revenons donc à la conscience :

Il s’agit donc d’abord, concernant cet être déterminé nommé « conscience », de connaître une bonne fois le souci dans lequel cet être se trouve.

Commençons par nous demander comment se présente le thème « conscience » pour la philosophie d’aujourd’hui, à savoir la phénoménologie.

Husserl rencontre la conscience dans la perspective d’une clarification critique de la connaissance. C’est là une démarche analogue à l’un des autres courants philosophiques dominants, la critique de la connaissance issue du kantisme.

C’est donc sur la connaissance théorique que se porte le souci, telle qu’elle est factivement là à titre de science et se déploie culturellement.


Récapitulons : depuis Kant, c’est la connaissance elle-même qui est objet d’un examen. On cherche à identifier les facultés mises en jeu, les limites du savoir, etc. Une tendance reprise par le néokantisme, l’école de Marbourg (Cassirer, Cohen, Natorp), mais aussi par Husserl lui-même.

C’est dans ce cadre que ces chercheurs « rencontrent » la conscience. Dans cette recherche où la connaissance se prend elle-même pour objet, la conscience apparaît comme ce qui pourrait fournir de précieux éléments. Des éléments de réponse, pour saisir la nature de la connaissance elle-même.

Le souci dans lequel la conscience devient pour nous-même un objet, nous apparaît donc : c’est le souci d’une connaissance qui soit elle-même connue.

Les enjeux sont considérables : il en va de l’homme lui-même et de la culture. Il s’agit de leur procurer la sécurité d’un fondement : Le souci se soucie que la connaissance soit elle-même connue parce que la connaissance doit prendre en charge la sûreté du Dasein et de la culture.


Pour vérifier ce point, Heidegger se met à l’écoute de Husserl ; il examine cette œuvre dans laquelle ce dernier se prononce de manière critique sur la philosophie d’aujourd’hui : La philosophie comme science rigoureuse.

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Heidegger : lecture suivie