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couverture du livre Introduction à la recherche phénoménologique de Heidegger

Résumé de l'Introduction à la recherche phénoménologique (page 9)


Pour Heidegger, un problème est une question configurée d’une certaine manière.

Il détaille la « structure », en quelque sorte d’une question, montrant en particulier qu’ en toute question nous distinguons 1° l’interrogé ; 2° le questionné ; 3° la perspective dans laquelle on questionne, ce en vue de quoi l’interrogé est interrogé1.

Ainsi dans cette question classique en épistémologie, « le monde extérieur existe-t-il ? », l’interrogé est le monde extérieur, le questionné est l’être réel de celui-ci, la perspective est la réalité.


Or Heidegger remarque que toute question est sujette à la même possibilité d’illusion que celle que nous avons déjà rencontrée à propos du langage.

En effet la perspective qui sous-tend un questionnement peut rester inaperçue, non thématisée explicitement en tant que telle. On reprend alors inconsciemment cette perspective, sans réflexion critique sur celle-ci.

On peut relever deux possibilités : on questionne pour obtenir des réponses sous forme de propositions valides. On cherche à enrichir le trésor des vérités valides sous forme de propositions scientifiques ; c’est là la démarche de la science.

Mais on peut aussi questionner pour se porter, par la réponse, au contact d’un étant en tant que tel (ce qui est bien différent de viser à augmenter un fonds unitaire de propositions).


Le problème se différencie d’une simple question en ce qu’il se présente explicitement comme une tâche à accomplir. Mais il reste affecté par le même risque fondamental d’illusion que la question :

Tout problème reconnu et débattu publiquement […] est un préjugé de la plus dangereuse espèce […]. Dans un problème, l’interrogé n’est interrogé que dans la perspective du questionnement héritée avec le problème lui-même, et n’est interrogé que pour avoir été repris de la tradition.

Le mécanisme est le suivant : les problèmes se construisent d’après des mots-questions, qui orientent dans des directions déterminées du questionnement une entente qui s’est déposée dans les mots.

Or pour un questionnement authentique, il faudrait en revenir au contraire à une recherche véritablement libre de points de vue, neutre, non déterminée à l’avance par la tradition véhiculée inconsciemment par les termes du problème.


On comprend alors pourquoi Husserl, en s’engageant dans la voie d’une clarification de problèmes, ne peut que reprendre à son compte les présupposés de la tradition même qui a posé ces problèmes : le naturalisme. Cela l’amène, tout comme cette tradition, à chercher à élaborer une méthode scientifique, c’est-à-dire exacte.

Certes, cette clarification se présente comme une double purification de tout ce qui relève du naturalisme :

- Concernant l’objet de la phénoménologie, la conscience : alors que la conscience est posée dans la psychologie d’une manière telle qu’avec elle c’est en fait un être physique qui est posé, Husserl met hors circuit toute position naturaliste, en examinant la conscience transcendantale : On ne doit pas poser en elle quelque chose comme la conscience d’un être humain. Par cette mise hors circuit transcendantale de la nature, Husserl pense échapper au naturalisme.

- Concernant sa méthode : c’est la connaissance éidétique qui prend pour objet cette conscience pure transcendantale, ici encore dans une démarcation critique déterminée par rapport aux sciences de la nature.


Mais on voit que dans ces deux directions de purification, la direction transcendantale et la direction éidétique, ce qui est à l’œuvre, c’est le souci de s’assurer d’un champ objectif permettant d’atteindre tout ce qui est absolument contraignant, c’est-à-dire des lois universelles.

On ne peut donc que conclure :

Husserl reprend à son compte ce qui est essentiellement et scientifiquement décisif dans la tendance scientifique. La problématique purifiée reste malgré tout, elle aussi, du naturalisme.


On peut en trouver deux indices supplémentaires.

Tout d’abord, la démarche de Husserl est guidée par un simple intérêt disciplinaire : Il s’agit […] de mettre en place la discipline fondamentale de la philosophie […] laquelle se présente elle-même comme une unité de disciplines.

Ici encore, c’est donc le souci d’une connaissance connue qui guide Husserl, et l’amène à chercher à atteindre une nouvelle forme de scientificité.

D’autre part, ce sont les vécus de la connaissance théorique qui sont pris pour fil directeur de l’analyse, et Husserl déduit à partir de ceux-ci la structure de tous les enchaînements de vécu. Husserl le dit d’ailleurs expressément : Les principes logico-formels sont l’index exemplaire de toute idéalité.


Une analyse plus détaillée par Heidegger de la notion de souci révèle un caractère essentiel de celui-ci : la « mé-prise » : Le souci, en s’absorbant dans l’objet de sa préoccupation, est ce qu’il est précisément en se mé-prenant en lui-même. Que cela signifie-t-il ? Ce se-méprendre-en-soi-même fait que tout ce qui croise le chemin du souci est pris en préoccupation d’une manière telle que ce qui n’entre pas dans la préoccupation du souci non seulement n’est pas là, mais en pris en préoccupation comme quelque chose n’ayant pas à être là.

Cette mé-prise débouche, logiquement, sur une omission : ce dont on ne se préoccupe pas, on l’oublie. Ce n’est pas là une préfiguration de la notion d’oubli qui deviendra un concept central dans Etre et temps : Ce qui est omis n’est pas oublié, il est tout bonnement exclu. Le souci se défend contre cela même qu’il omet.


En réalité, tout souci en tant que souci omet quelque chose, et ce qui est omis, c’est précisément ce dont le souci prétend lui-même se préoccuper.

Attachons-nous à cela même que nous sommes en train d’étudier : le souci d’une connaissance connue : Quelle est cette omission qui se manifeste dans ce souci concret ?.

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Heidegger : lecture suivie