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couverture du livre Introduction à la recherche phénoménologique de Heidegger

Résumé de l'Introduction à la recherche phénoménologique (page 6)


La question se pose :

Comment ce qu’on appelle la « conscience » en vient-il à posséder ce singulier privilège de constituer le thème d’une science fondamentale telle que le prétend l’être la phénoménologie ?


Un tel privilège ne va en effet pas de soi. Il faut le rappeler : Les Grecs ne connaissaient rien de tel que la conscience. Il n’y a pas de concept de conscience dans la philosophie grecque1.


Certes, Aristote avait remarqué ce plaisant paradoxe : il y a une vision de la vision . Nous pouvons non seulement voir certaines choses, mais remarquer que nous les voyons. La vision se tourne alors vers elle-même et se prend elle-même comme objet.

Aristote se demande alors dans quel mode de perception nous percevons la vision. Mais cette réflexion ne débouche pas sur l’émergence d’une notion qui serait à analyser en tant que telle, la conscience.

On ne retrouve pas la conscience dans les quatre déterminations fondamentales de l’être définies par Aristote dans la Métaphysique : la catégorie (κατηγοριῶν), la puissance (δύναμει), l’accident (συμβεβηκός), la vérité (ἀλήθες), qui sont les quatre directions […] puisées à l’état de fait de l’être au monde.

Même le concept chrétien, plus tardif, de conscience, renvoie plutôt à la conscience morale.


Il faut l’admettre : Que quelque chose comme la conscience ait été le thème d’une recherche, voilà qui est exclu pour la conscience grecque et chrétienne.


Le point d’arrivée de ce renversement, ce sont les Recherches logiques de Husserl. Heidegger résume ainsi le projet de l’ouvrage : Faire en sorte […] que les objets dont s’occupe la logique soient pris pour thème d’une manière telle qu’une recherche portant sur eux puisse travailler effectivement au contact de ce qui y est en cause, - c’est-à-dire d’une manière telle que les objets spécifiques à cette discipline deviennent accessibles à une intuition spécifique qui les légitime.

Ici « intuition » retrouve le sens grec originaire : Se rendre présent l’objet en lui-même tel qu’il se montre.

Heidegger souligne l’influence bénéfique qu’exerce cette ambition d’assurer et de garantir méthodiquement ce « rendre présent », du fait qu’elle engage la recherche sur la voie de l’ouverture des choses elles-mêmes.


Cette démarche fructueuse et stimulante, ce mouvement d’approche en direction des choses elles-mêmes débouche néanmoins sur ce résultat surprenant : la conscience, au prix d’une purification bien déterminée, se constitue comme un champ de recherche.

De là ces deux questions :

1° Comment se fait-il que la conscience soit prise pour thème ? 2° comment se fait-il qu’elle ait besoin d’une purification ?


La phénoménologie de Husserl s’est construite contre le psychologisme, qui veut donner à la logique une assise psychologique. Husserl s’élève contre cette réduction de la logique à la psychologie.

Mais on va voir que tout en critiquant le psychologisme, Husserl reprend à son compte un de ses présupposés fondamentaux : il existe un état de fait au sein duquel tous les objets de la logique pourraient être trouvés et interrogés, de sorte que la logique aurait en quelque sorte un milieu bien à elle et parfaitement défini : la conscience.


Prenons pour point de départ la définition traditionnelle de la logique : celle-ci traite des concepts, des jugements et des raisonnements concluants. Elle se situe donc à l’articulation de la signification et de son expression langagière (dans des énoncés, etc). Nous sommes dans le champ de la pensée théorique, un mode de pensée déterminé [qui] passe [ainsi] au premier plan.

Il faut différencier la signification d’une part, et les actes de pensée qui visent à la saisir, qui sont des vécus intentionnels, d’autre part. Or la conscience apparaît comme la sphère intégrale des vécus, une région d’événements déterminés ayant le caractère de vécus. Ou encore : Ces vécus appartiennent à la région « conscience ».

C’est là la définition proprement husserlienne de la conscience : C’est en ce sens régional que le concept de conscience doit être entendu. Ce concept sera conservé par Husserl ultérieurement, et cela jusqu’à ce jour.

C’est par la perception interne que j’appréhende ces vécus. Certains vécus ne sont pas des actes : sont des actes intentionnels ceux qui se dirigent sur quelque chose, qui sont conscience de quelque chose. En même temps, dans cet acte de visée, je m’apparais à moi-même, je prends conscience que je pense : L’ego cogito y [est] explicite.


Cette première approche nous a permis d’élucider le sens husserlien de la notion de la conscience. Résumons : La conscience comme région est 1° caractérisée par son mode d’accès, la perception interne, 2° par le fait que cette région contient une classe déterminée de vécus, les actes, qui sont tout à fait fondamentaux pour la structure de la conscience.


Heidegger peut faire fond sur ce précieux résultat pour engager sa propre réflexion :

Quel être est donc la région « conscience », quels sont les caractères d’être qui la déterminent ?

Pour répondre à cela, il va examiner ce qui nous amène à porter notre attention sur la conscience, à nous préoccuper de celle-ci : le souci.

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Heidegger : lecture suivie