1. Accueil
  2. Auteurs
  3. Kierkegaard
  4. Post-scriptum aux Miettes philosophiques
  5. Page 3
Couverture du livre Le Post-Scriptum aux Miettes philosophiques de Kierkegaard

Résumé du Post-scriptum aux Miettes philosophiques (page 3)


La foi n’a pas besoin de preuve, elle doit même la regarder comme son ennemie1. Et si le croyant prend la décision en vertu d’une preuve, il serait sur le point d’abandonner la foi.

L’approche objective manque paradoxalement son objet, le christianisme, qu’elle prétend étudier, parce que cet objet appartient essentiellement à la sphère de la subjectivité, qui lui échappe par nature :

Le Christianisme est esprit, l’esprit est intériorité, l’intériorité est subjectivité, la subjectivité est essentiellement passion, et à son maximum passion éprouvant un intérêt personnel infini pour sa béatitude éternelle.


La foi est avant tout décision : je décide de croire en un Dieu, venue s’incarner il y a 2000 ans en la personne du Christ. Or dès que l’on élimine la subjectivité, et de la subjectivité la passion, et la passion l’intérêt infini, il n’y a en somme pas du tout de décision, ni dans ce problème, ni dans aucun autre et toute décision essentielle réside dans la subjectivité.

L’approche objective n’est pas décision, mais observation, ce qui nécessite de rester neutre et impartial : Un observateur […] n’éprouve sur aucun point un besoin infini de décision.


L’approche historique peut se concentrer non pas sur la Bible, mais sur l’Eglise.

Les tenants de cette seconde démarche soutiennent que la Bible, en raison de nombreuses obscurités ou imprécisions, ne peut constituer un fondement assez solide pour nous livrer ce que serait la vérité du christianisme.

En revanche, l’Eglise pourrait jouer ce rôle. En effet, nous savons ce que c’est l’Eglise : ce n’est plus un témoignage fragmentaire du passé, à jamais déformé par les siècles écoulés, mais une institution présente, contemporaine, vivante, que nous pouvons analyser : La difficulté touchant le Nouveau Testament en tant que quelque chose de passé semble maintenant être levée dans l’Eglise qui est, comme on sait, quelque chose de présent.


Kierkegaard s’en prend ici à Grundtvig, un pasteur luthérien danois de l’époque : c’est lui qui a proposé ce changement de perspective dans l’étude objective du christianisme, et cette idée a soulevé beaucoup d’intérêt.

Le problème est que l’Eglise elle aussi est le résultat de siècles et de siècles d’évolution, et constitue donc un objet tout aussi historique, et donc incertain, que la Bible. La confession de foi, par exemple, qui est l’un des piliers de cette institution, a-t-elle le même sens à présent que pendant les vingt siècles qui l’ont précédée ? Probablement pas.

Ainsi on voit que l’approximation recommence. L’approche objective est définitivement le royaume de l’approximation, et non celui de la vérité absolue : Il est impossible dans des problèmes historiques, de trouver une décision objective telle qu’aucun doute ne puisse s’y glisser. Ceci aussi montre que le problème doit être posé de façon subjective et que c’est justement un malentendu de vouloir s’assurer objectivement.


Mais de toute façon, le problème de fond reste le même : la vérité du christianisme réside dans la foi, c’est-à-dire ce mouvement de l’esprit que l’on ne saisira jamais si l’on écarte la subjectivité. Il ne faut pas penser naïvement que si seulement la vérité objective est solide, le sujet est tout prêt à entrer dedans, en fait si la vérité est esprit, elle est intériorisation, et non pas le rapport immédiat et tout à fait désinvolte entre un esprit immédiat et une somme de propositions doctrinales.


De tout cela, il ressort que quiconque n’a qu’un christianisme objectif et rien d’autre est eo ipso un païen ; car le christianisme est justement affaire d’esprit, de subjectivité et d’intériorité.


L’approche objective de la vérité du christianisme peut également prendre une seconde forme, celle de la spéculation philosophique. Celle-ci examine le christianisme du point de vue des vérités éternelles découvertes par la pure raison. C’est la métaphysique, au sens kantien du terme, qui est ici désignée.

Normalement, Kierkegaard entend par spéculation la doctrine hégélienne, mais ici, c’est plus généralement la philosophie qui est visée, puisqu’il se réfère aux Grecs et reconnait qu’il s’y livre lui-même :

Nier la valeur de la spéculation […] équivaudrait à mes yeux à se prostituer soi-même, et serait particulièrement insensé de la part de celui dont le temps lui est consacré en majeure partie, suivant ses faibles forces ; particulièrement insensé de la part de celui qui admire les Grecs.

On s’attendrait à ce que dans ce chapitre, Kierkegaard se livre à une critique en règle de la spéculation hégélienne, mais ce n’est pas le cas. Il semble qu’il se concentre sur la spéculation en général, c’est-à-dire cette interrogation métaphysique sur Dieu, son essence, existence…


Sa critique, assez rapide par rapport à celle qui a visé l’approche historique, tient en deux points principaux :

Tout d’abord, la philosophie prétend douter de tout, n’accepter aucune présupposition, remettre en question les idées examinées. Or il y a en réalité plusieurs présupposés qu’elle accepte comme allant de soi. Parmi ceux-ci, l’idée que nous sommes chrétiens, et donc que le christianisme est un fait historique (rejoignant par là l’approche historique).

Or rien de moins sûr : on se croit chrétien parce qu’on vit dans un pays défini comme tel. Kierkegaard ironise : si quelqu’un en doutait, sa femme lui répondrait tu es bien pourtant un Danois ; la géographie ne dit-elle pas que la religion chrétienne, luthérienne, règne au Danemark ? […] n’es-tu pas un bon sujet dans un Etat chrétien […] tu es donc un chrétien.

En réalité, la plupart des hommes vivant au Danemark et dans les autres pays dits chrétiens n’ont pas la foi, en tout cas pas au sens exigeant que Kierkegaard lui donne : A l’heure actuelle, un discours de croyant authentique est peut-être ce qu’on entend le plus rarement dans toute l’Europe.


En second lieu, il utilise le même argument que pour l’approche historique (ce pourquoi nous passerons rapidement sur celui-ci, l’ayant déjà examiné) : Si le christianisme est essentiellement la subjectivité, c’est une erreur pour l’observateur d’être objectif. Un exemple éclairant illustre cette idée : un mariage est un fait objectif, historique, qui se déroule à une certaine date et un certain lieu.

Pourtant, derrière ce fait historique, il y a une histoire d’amour qui est le vrai fondement de celui-ci, et la seule et vraie réalité : la cérémonie n’est qu’une vaine formalité si l’amour n’est pas présent dans l’esprit des jeunes époux. Dans ce cas, la réalité du phénomène réside donc dans la subjectivité, celle des deux amants, non dans les faits objectifs qui en découlent. C’est la même chose pour le christianisme : Le christianisme ne se laissait pas observer objectivement, justement parce qu’il veut amener la subjectivité à son paroxysme.


Ce premier moment de réflexion nous a donc permis de reconnaître les limites de l’approche objective. Il est donc nécessaire de se tourner vers une tout autre manière d’approcher le christianisme, qui laisse la part belle à la subjectivité. C’est à présent la direction que va nous inviter à prendre Kierkegaard.

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Kierkegaard : lecture suivie