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Couverture du livre Le Post-Scriptum aux Miettes philosophiques de Kierkegaard

Résumé du Post-scriptum aux Miettes philosophiques (page 4)

2nde partie : le problème subjectif. Le rapport du sujet à la vérité du christianisme

Kierkegaard rend hommage à Lessing, qui selon lui, a compris l’impasse à laquelle menait l’approche objective du religieux. Il ne s’agit pas de se placer sous son autorité, ce qui ne serait précisément qu’une tentative pour devenir objectif1, mais de témoigner de son respect, et surtout de sa joie de ne plus se sentir seul : Kierkegaard n’est plus isolé en tant que penseur, dans une opposition farouche à la mode de l’époque, toute entière tournée vers l’hégélianisme.

Si un pauvre penseur amateur, un esprit spéculatif chimérique, qui, comme un pauvre locataire, habite une mansarde dans un immense bâtiment […] avait le soupçon qu’il doit y avoir quelque part une faute de construction dans les fondations […] voyait sa façon de s’exprimer être si différente de la mode intellectuelle ayant généralement cours […] ; si, dis-je, ce penseur amateur, cet esprit spéculatif chimérique faisait tout d’un coup la connaissance d’un homme célèbre […] [dans lequel on retrouve] les traces de quelques-unes de ses pénibles pensées, ah, quelle joie ! quelle fête dans la petite mansarde quand ce pauvre locataire se console avec la renommée du grand homme.


Il ne l’admire pas en tant que savant, érudit, poète ou sage mais parce qu’ il a justement saisi ce point d’Archimède du sentiment religieux que Kierkegaard résume ainsi : Il s’est retranché dans l’isolement religieux de la subjectivité […], ne s’est pas laissé séduire à devenir historico-mondial ou systématique, mais comprit et sut garder la conviction que le religieux concernait Lessing, Lessing seul, comme il concerne chaque homme de la même manière.

Par « systématique » et « historico-mondial », Kierkegaard se réfère implicitement à Hegel. La philosophie hégélienne se présente en effet comme un système et prétend rendre compte du déroulement de l’Histoire universelle, celui de l’auto-déploiement de l’Esprit dans le monde. Chaque époque, chaque doctrine se voit relativisée comme un simple moment de ce déploiement de l’Esprit, ce qui là encore suscite la critique acerbe de Kierkegaard, regrettant que Lessing ne soit plus considéré par les hégéliens que comme une imperceptible petite station sur le chemin de fer historico-mondial systématique.

D’autres termes seront employés par Kierkegaard pour ironiser aux dépens de Hegel. Ainsi à chaque fois qu’il parle de « privatdocent », il faut comprendre qu’il parle de ce dernier. Il se réfère par là au statut universitaire que Hegel a eu à une certaine période à l’université de Iéna, peu prestigieux et quasiment non rémunéré.


Revenons à Lessing : ce qui est difficile, c’est que la pensée de ce dernier se dérobe à l’examen, et est difficile à résumer. Néanmoins, Kierkegaard va présenter quatre points essentiels qui lui paraissent significatifs.

Mais à quel propos ? Il s’agit de décrire le « penseur subjectif », montrer qu’il existe une autre forme de pensée que la pensée objective, présenter ce modèle alternatif qui s’oppose à celui, triomphant à l’époque, de la spéculation ou de la science.


§1 – Tout d’abord, le penseur subjectif est attentif à la forme sous laquelle il exprime une vérité : il la communique indirectement, à la différence de la pensée objective qui s’occupe uniquement du résultat, et le fournit directement.

Le penseur subjectif ne se contente pas d’exprimer une idée : toute idée est pour lui en même temps une occasion de réfléchir sur lui-même et de découvrir son intériorité : La réflexion de l’intériorité est la double réflexion du penseur subjectif. En pensant, il pense le général, mais en tant qu’il existe dans cette pensée, en tant qu’il se l’assimile intérieurement, il s’isole subjectivement toujours davantage.

Le contenu objectif de l’idée transmise (le résultat) est donc moins important en soi que la manière dont elle est transmise ; elle doit rendre libre l’interlocuteur, en lui révélant sa propre intériorité, et pour cela doit être indirecte : Le secret de la communication consiste justement à rendre l’autre libre, et c’est justement pour cela qu’il ne doit pas se communiquer directement et que cela est même sacrilège.


Le modèle de ce type de communication est Socrate : c’est lui le penseur subjectif qui a le mieux illustré cette manière de procéder. En effet, il ne révèle directement aucune vérité. Par l’ironie, il exprime le contraire de ce qu’il veut dire réellement ; par l’art de la maïeutique, il aide ses interlocuteurs à trouver par eux-mêmes la vérité, sans la leur fournir lui-même ; enfin, il s’isole pour consulter son démon, dans le silence de l’intériorité et nul ne sait ce qu’il en ressort.

Mais c’est en fait dans le domaine religieux que ce type de pensée peut se déployer pleinement : Ceci est d’autant plus vrai que le subjectif est plus essentiel, et c’est donc vrai avant tout dans le domaine religieux.

Et c’est le mode que Kierkegaard lui-même a choisi, en publiant des ouvrages sous le nom d’auteurs pseudonymes (Johannes Climacus pour le Post-Scriptum, Johannes de Silentio pour Crainte et Tremblement, etc), un procédé indirect, donc, sur lequel il s’expliquera d’ailleurs à la fin de l’ouvrage.


Pour résumer, le penseur subjectif fait de la communication une œuvre d’art, où le secret joue un rôle essentiel, puisqu'ici, rien n’est révélé, tout est suggéré :

La communication ordinaire, la pensée objective, n’a pas de secrets, seule la pensée subjective durablement réfléchie a des secrets : tout son contenu essentiel est essentiellement secret, parce qu’il ne se laisse pas communiquer directement. Ceci est la signification du secret.

Ce rapport spécifique à la vérité repose ultimement sur le fait que le penseur subjectif est existant, et en tant dans tel, s’occupe uniquement du devenir, et omet le résultat. Qu’est-ce que cela signifie : être existant ? Voici le second point essentiel que Kierkegaard va examiner.

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Kierkegaard : lecture suivie