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Couverture du livre Le Post-Scriptum aux Miettes philosophiques de Kierkegaard

Résumé du Post-scriptum aux Miettes philosophiques (page 5)


§2 – Ce §2 a une importance particulière : c’est ici que celui qui est considéré comme le pionnier de l’existentialisme définit ce qu’il entend par « être existant ».

C’est donc là un moment inaugural, qui ouvre un mouvement de pensée centré autour de la notion d‘existence ; les penseurs antérieurs avaient bien consacré certaines réflexions à cette notion, mais ils ne l’avaient pas placé au centre de leur doctrine. C’est le cas de Kierkegaard, et c’est ici l’un des passages où ce mouvement fondateur s’opère.


En fait, on comprend mieux l’existence quand on la pense comme un verbe à la voix active : exister.

Il s’agit tout d’abord d’un effort, une tâche à accomplir que fuient la plupart des gens, en raison de sa difficulté :

La plupart des hommes […] se marient et occupent des situations dans la vie, par suite desquelles ils doivent pour sauver les apparences finir quelque chose, obtenir des résultats […] De cette manière, on se libère du devoir d’être effectivement attentif aux fatigantes difficultés que contient le plus simple des énoncés : exister en tant qu’homme 1.

Voici un thème qui sera repris plus tard par d’autres penseurs existentialistes tels que Sartre (l’homme fuit sa liberté et l’infini des possibilités qui s’ouvrent à lui) ou Heidegger et sa critique de l’inauthenticité du « on », en développant naturellement ce qui n’est là encore qu’en germe.


Exister est un effort car il ne s’agit de rien d’autre que devenir : Comme le sujet existant est existant […] l’homme est donc dans le devenir. Ou encore : Le devenir est l’existence même du penseur.


C’est un processus aussi bien négatif que positif ; or comme la pensée du penseur subjectif doit correspondre à la forme de son existence, le penseur subjectif existant proprement dit, il ne cesse d’être tout autant négatif que positif.

Kierkegaard reprend la terminologie hégélienne du positif et du négatif. Le savoir positif est chez les hégéliens la certitude sensible, le savoir historique, ou le résultat spéculatif. Le moment négatif correspond à celui du scepticisme. Le penseur subjectif que décrit Kierkegaard ne choisit pas l’une de ces deux positions, mais le passage incessant de l’un à l’autre :

Il connaît la négativité de l’infini dans l’existence, il ne cesse de laisser ouverte cette plaie de la négativité, laquelle plaie est parfois le salut (les autres laissent se fermer la plaie et deviennent des positifs trompés) ; dans la communication, il exprime la même chose. C’est pourquoi il n’est jamais un homme qui enseigne mais un homme qui apprend, et ne cessant d’être tout autant négatif que positif, il ne cesse de s’efforcer.

Là encore, on retrouve la figure de Socrate, qui mettait les idées de ses interlocuteurs en doute (c’est le moment négatif) mais ne cessait jamais de chercher (c’est le moment positif).


Kierkegaard assimile le positif au comique, et le négatif au pathos ; de ce fait, que le penseur subjectif existant soit tout autant positif que négatif, on peut aussi l’exprimer en disant qu’il a tout autant de sens du comique que du pathos. Il reproduit par là la dialectique à l’œuvre au cœur même de l’existence :

L’existence elle-même, l’exister, est un effort, et est tout autant pathétique que comique ; pathétique, parce que l’effort est infini, c’est-à-dire dirigé vers l’infini, parce qu’il est réalisation d’infini, ce qui signifie le plus haut pathos ; comique, parce que l’effort est une contradiction interne.

Socrate à nouveau incarne donc à merveille la figure du penseur subjectif, à la fois par son humour, mais aussi par le sérieux tragique dont il fait preuve en buvant la cigüe.


Enfin, Kierkegaard donne une dernière détermination de l’existence, en définissant la vie comme une synthèse de l’infini et du fini, de la même manière que Platon définissait l’Amour comme une synthèse de pauvreté et de richesse dans le Banquet : Mais qu’est l’existence ? C’est cet enfant qui est engendré par l’infini et par le fini, par l’éternel et par le temporel, et qui en conséquence ne cesse de s’efforcer. Finalement, l’analogie devient identité : L’Amour signifie évidemment l’existence.


Ce second point nous a éclairé sur la conception kierkegaardienne de l’existence.

On comprend donc à présent ce qui fait la spécificité du penseur subjectif, et par delà, de l’homme existant. On ne peut nier cela, et fuir notre nature, comme prétendent le faire les systématiques et les objectifs : Quand un homme ne s’occupe que de logique pendant toute sa vie, il n’en devient quand même pas pour cela la logique, mais existe donc lui-même dans d’autres catégories.


Il est temps de passer au troisième point essentiel que Kierkegaard a saisi dans la pensée de Lessing.


§3 – Dans ce troisième moment, l’auteur des Miettes philosophiques revient sur le problème qui a été à l’origine de la rédaction de ce livre : Peut-on construire une béatitude éternelle sur une connaissance historique ?.

Il attribue à Lessing le mérite de l’avoir éveillé au problème du « saut », celui de la légitimation du passage d’un fait historique (la venue du Christ) à une vérité éternelle. Il apporte alors des précisions sur tel ou tel point à ce problème, ce qui nécessite une bonne connaissance des Miettes philosophiques, pour en saisir tout l’intérêt.

Nous vous invitons donc à vous référer à notre présentation des Miettes philosophiques pour comprendre en profondeur ce troisième moment, qui fait dialoguer Lessing, Jacobi et Mendelssohn ; nous passerons par conséquent rapidement sur cette partie pour en venir directement au quatrième et dernier moment de cette partie consacrée à Lessing.

1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Kierkegaard : lecture suivie