couverture du livre Etre et temps de Heidegger

Résumé de : Etre et temps

Dans cette œuvre majeure, Heidegger, dans un dialogue avec la pensée grecque la plus ancienne, repose une question enfouie dès l'origine, dès lors qu'elle fut posée : la question de l'être. Cela l'amène à élaborer une ontologie fondée sur de toutes nouvelles bases : l'analytique existentiale du Dasein.

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Du même auteur : Introduction à la recherche phénoménologique - Correspondance avec Karl Jaspers




Etre et Temps : le moment est venu d’examiner, dans cette introduction, le second terme du titre de l’ouvrage. Jusqu’à présent en effet, c’est l’être qui a été considéré principalement. Pourquoi Heidegger se réfère-t-il au temps, en l’accolant ainsi, dans le titre, à l’être ?


Cela vient du fait que c’est la temporalité qui sera mise en lumière comme le sens de l’étant que nous appelons Dasein1. Les structures essentielles du Dasein que l’analytique existentiale nous révèle nous apparaîtront en effet comme des modes de la temporalité.

L’homme est un être temporel, et chercher à saisir l’être à partir de l’homme nous amènera donc à rencontrer le temps.


Le lien entre l’être et le temps est le suivant : L’être n’est jamais saisissable que du point de vue du temps.

Ou encore : Ce à partir de quoi le Dasein en général comprend et explicite silencieusement quelque chose comme l’être est le temps.

De ce fait, celui-ci doit être mis en lumière et originairement conçu comme l’horizon de toute compréhension et explicitation de l’être.


D’après ce qui précède, on comprend mieux pourquoi Heidegger a choisi d’intituler son ouvrage Etre et Temps. C’est dans le temps que réside le secret de l’être.

Cela ne veut pas dire néanmoins que le temps est la réponse à la question de l’être, que l’être, c’est le temps. Mais en revanche, le sol est posé pour l’obtention de cette réponse.

En réalité, nous n’aurons jamais de réponse à la question directrice, celle de l’être en général.

Etre et Temps est, on le sait, un ouvrage inachevé. La dernière section de la première partie devait être consacrée au sens temporel de l’être ; c’est dans celle-ci que Heidegger aurait dû répondre à la question : « qu’est-ce que l’être ? », et penser les rapports entre l’être et le temps.

Mais Heidegger ne trouva pas les ressources pour la rédiger ; sa recherche ne trouva pas de direction satisfaisante, un échec sur lequel il revint trente ans plus tard, dans la Lettre sur l’Humanisme.


Malgré ce, Etre et Temps reste un chef-d’œuvre : son inachèvement lui donne simplement un caractère tragique qui participe à la légende qui entoure ce livre.

Ce qu’on trouve donc dans cet ouvrage inachevé, dans les deux premières sections de sa première partie, c’est une réflexion sur le Dasein, dans son rapport à l’être et au temps, une question préalable et secondaire à la question véritablement originaire, celle de l’être en général, à laquelle Heidegger ne réussira pas à revenir.


Cette tâche exige de repenser à nouveaux frais le concept du temps ; il n’est pas possible de se satisfaire de la compréhension vulgaire du temps telle qu’elle est devenue explicite dans l’interprétation déposée dans le concept traditionnel du temps, lequel se maintient d’Aristote jusqu’à Bergson et au-delà.

Heidegger se propose de montrer qu’une conception adéquate du temps ne peut reposer que sur la notion de temporalité ; que la conception traditionnelle, vulgaire, est, de manière surprenante, elle aussi fondée sur celle-ci, et non sur l’espace, comme le croit à tort Bergson, lui qui veut que le temps visé par là soit de l’espace.


En interrogeant le temps dans ses rapports à l’être, Heidegger cherche à fixer la signification ontologique du temps. C’est là une recherche ancienne, que la tradition philosophique a elle aussi opérée. Mais de manière naïve : traditionnellement, le temps a été considéré comme le critère ontologique qui permet de distinguer les différents types d’étants : les étants temporels (êtres vivants, etc), intemporels (vérités mathématiques, etc.), atemporels (contenu logique d’une proposition), et supra-temporels (Idées platoniciennes, Dieu, etc.).

Mais Heidegger voit là un critère ontique plutôt qu’ontologique, et surtout, de quel droit donne-t-on au temps une telle fonction ontologique privilégiée ? Pourquoi ne pas choisir un autre critère ? Autant de questions qui jusqu’ici n’ont été ni soulevées, ni approfondies.

La vraie question originaire, ce qu’il faut […] montrer, c’est comment la problématique centrale de toute ontologie est enracinée dans le phénomène du temps bien aperçu et bien explicite.


De la même manière que Heidegger avait distingué « existentiel » et « existential », il différencie « temporel » et « temporal ». Temporal désigne la déterminité de sens originaire de l’être et de ses caractères et modes à partir du temps. C’est donc un terme ontologique, alors que « temporel » renvoie plutôt à la caractérisation ontique d’un étant.

On comprend donc à présent, normalement, ce que Heidegger veut dire lorsqu’il soutient que la tâche fondamental-ontologique de l’interprétation de l’être comme tel inclut donc l’élaboration de l’être-temporal de l’être.


Heidegger ne cherche pas à apporter une nouvelle réponse à cette question de l’être. Au contraire, si cette réponse doit contenir quelque chose de positif, cela ne peut être qu’en étant au contraire assez ancienne pour nous apprendre à concevoir les possibilités ouvertes par les « Anciens ». Une réponse, en philosophie, ne peut viser qu’à redonner son élan au questionnement philosophique au sein de l’horizon par elle libéré – et elle donne seulement cela.


1 Les références des citations sont disponibles dans l'ouvrage Heidegger : lecture suivie